Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 26-09-2008 à 10:31:13
L'art de la bibliothèque.
Le plaisir d'une bibliothèque commence à l'histoire de sa constitution. Du choix des livres qu'elle contiendra, et par voie de conséquence du rite de la recherche.
Elle peut être savante, ordonnée, basée sur un travail de fiches, l'établissement de listes de livres à trouver (et parfois difficilement). Elle peut être ( et je préfère cette formule) le résultat d'une chasse constante qui nous met en présence de livres trouvés par hasard, de livres "rencontrés". Le terrain de chasse sera, en priorité (et logique), les bouquinistes qui eux-mêmes proposent des livres trouvés ça et là, au cours de déménagements, au terme d'une vie et d'une succession qui liquide la bibliothèque d'un défunt. Les vides-grenier (qu'il est toujours agréable de fréquenter en province plus qu'à Paris), sont alors le terrain le plus riche, le plus surprenant, et souvent la chasse y est prodigieuse.
Je me suis dit que la chasse est plus captivante que la possession qui en résulte d'un livre qui ira bientôt dormir dans les rayonnages auprès des autres trouvailles, le temps jetant sur l'ensemble une sorte de manteau de poussière bien réelle, et mentale tout à la fois.
La bibliothèque est le produit de cette chasse. Un "tableau de chasse" comme on en voit au terme de ces caracolantes battues qui s'enivrent de sang.
Le sang de cette chasse puérile et innocente du livre, c'est l'odeur si particulière de chaque livre, surtout s'il a vécu, connu des étapes dans ses périples de caves en grenier, de possesseurs soigneux à ceux qui se servent du livre comme réceptacle de leurs humeurs. J'ajoute alors le plaisir, si pervers sans doute, de déchiffrer sur le terrain de la chose imprimée, des notes, paraphes, remarques, invectives, pensées qui sortent d'un crayon maladroit, d'encres qui font des ricochets, rappelant les premières tentatives d'écriture d'une main enfantine ; et l'on a joliment donné le ton de pâté à ces minuscules formes aux silhouettes d'insecte écrasé qui gâchent le cahier neuf, la page blanche qui nous terrorise. Un crime en somme, inspiré par l'émotion de la découverte. Un viol peut-être. Violerait on-les textes pour mieux s'affirmer. Une lecture crayon en main c'est un peu la machette de l'explorateur en forêt tropicale. A coin d'une page on croit entendre le cri d'un animal dont on ne sait rien.
Commentaires
une photo qui m'aurait tiré les larmes si j'en avais de reste ...