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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 24-11-2008 à 14:48:16

Le manteau de Proust.

Il y avait le perroquet de Flaubert (empaillé et sur son bureau), il y avait la canne de Balzac (à pommeau d'ivoire), il y a le manteau de Proust. Tous les commentateurs, témoins, s'accordent pour souligner l'étrange silhouette que Proust se faisait en endossant cet épais manteau qui le protégeait du froid.
Il le traînait aussi bien au Ritz où il donnait des dîners raffinés à ses relations aristocratiques (qui ne voyaient en lui qu'un aimable farfelus) que dans ce bordel de garçon de la rue de l'Arcade où il avait casé les meubles de famille hérités lors du déménagement de la rue de Courcelles.
Sorti des moiteurs de la chambre transformée en prison pour élaborer son oeuvre, Proust traînait avec lui cette peau qui créait sa silhouette de malade fiévreux et de somnambule entraîné dans un rituel mondain dont il connaissait tous les codes et les usages en imposant moins une élégance héritée de sa classe qu'une figure déclassée et  flottante dans ses propres chimères.
Le perroquet de Flaubert soulignait un amarrage à sa table de travail (et un état de sédentaire), la canne de Balzac un étalage un peu puéril de sa vanité, le manteau de Proust une contrainte de la maladie, une défensive contre le quotidien qui le rongeait quand il naviguait en haute mer de sa mémoire.


 

Commentaires

ooz le 25-11-2008 à 03:59:47
moi aussi on me reconnaît à mon grand manteau noir, long et large et de belle ampleur, un peu pincé à la taille, tout rapé et brûlé ... je l'adore mon manteau-poème (comme celui du voyageur, et dont le dernier vers est :

... sa bure où je voyais des constellations ...