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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 27-11-2008 à 14:59:17

Emmanuel Bove : le malheur tranquille.

Bove ou une misère tranquille.
L'errance parisienne de Bove est bien éloignée de celle d'un Léon Paul Fargue ou d'un Breton, voire d'un Aragon. Ces derniers y cherchent le merveilleux, l'insolite, l'amour enfin. Les héros de Bove y dévident le long fil de leur solitude, et si, d'occasion, ils participent à un fait social ( une réunion mondaine) c'est pour décrypter la médiocrité morale et intellectuelle des personnage qui dénoncent la société. Une galerie de figures ridicules souvent sordides qui rejettent Bâton (le personnage type de Bove) dans sa solitude, et la justifient. A quoi s'ajoute la misère matérielle, le décor souvent sordide des hôtels de basse catégorie, l'incapacité de s'afficher dans le costume glorieux du conquérant mais dans celui, banal du quidam que rien ne sauvera de son état.
Bove situe avec une grande précision ses personnages dans un Paris qui parfois fait penser à celui de Simenon. Une écriture qui se veut neutre, minimale, terne pour donner plus de relief à la personnalité des protagonistes de cette effroyable chronique du malheur tranquille.
A noter la réaction significative de Paul Léautaud mettant son nez dans un manuscrit de Bove qui devait traîner dans les bureaux du Mercure de France où il était employé. Frappé par le ton de Bove,  Léautaud affirme, dans son journal, qu'il en fait  des cauchemars. Pourtant il était l'initiateur d'un style qui se fait neutre, le plus économe possible d'effets, de relief. Mais celui de Léautaud fourmille d'humeur, et de sentimentalité, alors que Bove se maintient dans une neutralité éprouvante. On ne peut s'accrocher à rien, ni à personne dans cet univers, sinon être entraîné dans une sorte de dérive.