Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 02-04-2009 à 14:25:56
Case d'Armons au coeur des Calligrammes d'Apollinaire.
Il est peut-être significatif qu'au coeur du recueil "Calligrammes" il y ait "Case d'Armons". Il a son histoire. C'est un recueil tiré à 25 exemplaires, en polygraphie sur papier quadrillé à l'encre violette, au moyen de gélatine, à la batterie de tir (45° batterie, 38° régiment d'artillerie en campagne) "devant" l'ennemi et le tirage a été achevé le 27 juin 1915. Sans doute Apollinaire est-il en compagnie de quelque malheureuse recrue venue d'Afrique comme en témoigne ces vers si bien balancés :
"C'est dans la cagnat en rondins voilés d'osier
Auprès des canons gris tournés vers le nord
Que je songe au village africain
Où l'on dansait où l'on chantait où l'on faisait l'amour
Et de long discours
Nobles et joyeux..."
Un servant de Dakar témoigne de son émoi.
Les mots sont encore ici dans l'ordre donné par l'usage
Mais, dans Case d'Armons, Apollinaire se risque à des inventions graphiques audacieuses, qui épousent curieusement la trajectoire, furieuse et mortelle des bombes qui enflamment le ciel le temps d'un combat. Elles en retrouvent l'élégante calligraphie porteuse et mort, de blessures, de douleurs.
Y-a-t-on suffisamment pensé.? Sans toute il était à la pointe des novations typographiques qui reprenaient les audaces d'un Rabelais, d'un Laurence Sterne et qui vont faire les beaux jours de dada, de Pierre Albert Birot. Et Apollinaire, si proche de la peinture, n'a-t-il pas affirmé un jour " et moi aussi je suis peintre".
On peut aussi imaginer que la vision de ce feu d'artifice mortel ait pu lui donner le goût de faire danser les mots. La poésie est inscrite dans la affres de la vie. De la mort.