Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 19-04-2009 à 10:28:47
Pollock rue du Dragon.
Les charmes de la rue du Dragon.
Le tracé de la rue du Dragon, depuis le carrefour Croix Rouge jusqu'au boulevard Saint Germain, a adopté quelque chose de nonchalant qui lui convient bien et lui confère une convivialité il est vrai largement partagée en ses environs. Le faubourg Saint Germain nous évoque, même si nous ne sommes par des lecteurs de Proust, une dignité compassée, un snobisme étroit et fantasmatique qui n'est pas d'usage en un territoire plutôt consacré à l'art. Il suffit de faire quelques pas, au delà du carrefour Sèvres Babylone pour rencontrer la gentry qui passe de duchesses déjantées en salonnards qui évoquent les dandys du XIX° siècle.
La rue du Dragon se donne, elle, des allures débonnaires. On y rencontrait Man Ray cherchant un restaurant, Edouard Glissant léchant les vitrines des galeries, Jean Paul Sartre de retour du café de Flore, et les ombres s'y pressent comme celle du pathétique Jacques Prével, "fou d'Artaud", qui traînait là son désenchantement.
J'y fréquentais une cartomancienne de haut vol, qui avait été des muses du don Juan Roger Vailland et n'hésitait pas à vous annoncer tous les malheurs du monde. J'admirais sa manière de naviguer parmi les étoiles pour lire dans votre destin. Et c'est presque à ses pieds, dans ce qui était alors le Centre Culturel Américain, qu'on découvrait alors les folles excursions stellaires de Jackson Pollock. Un choc dans les années 55-60, dans un Paris tout entier voué à la célébration d'une peinture de raison et de réflexion. Voici un art d'expansion et de délire, un graphisme qui dépasse les limites qu'on lui accorde. Il nous entraîne dans son délire. Dessin de vertige.