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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 10-05-2009 à 12:01:15

Le voyage immobile de Pessoa

Se placer d'abord sous le signe de Pessoa. Plusieurs raisons à cela.
Le jeu du nom qui devient, en français, personne. Et de là à se dire que, le sachant, Pessoa a modelé son comportement (si étrange) et fixé le contenu même de son oeuvre. Certain que le nom vous façonne, vous donne une orientation, peut déterminer votre destin.
Et de deux : l'étonnante force suggestive du titre, évoquant à la fois le voyage et son contraire l'immobilité. Mais on sait que nombre poètes condamnés à l'immobilité (pour diverses raisons) savent s'échapper, et d'abord d'eux-même. Tous les poètes n'ont pas, comme Rimbaud, des semelles de vent. J'en connais qui firent leur monde dans le retrait voir la position couchée (Joé Bousquet par exemple).
L'idée de la déambulation (surtout citadine) compense le voyage, en est un. Comme la pratique Pessoa mais aussi Léon Paul Fargue, Joyce, André Breton, Aragon, les surréalistes en général,  Jacques Réda, et bien avant eux,  Restif de la Bretonne, Louis Sebastien Mercier n'implique pas que l'on soit de grands voyageurs. Au contraire. On s'empare d'une ville faute d'aller au bout du monde.  Et c'est de cette approche du détail urbain, d'une lumière, d'une couleur qui s'obstine, que l'on conçoit une oeuvre d'une richesse intériorisée.
Voyageur au long cours, Blaise Cendrars propose un monde en fanfare, Fargue, piéton de Paris, propose des miniatures urbaines savoureuses, et produit d'une tendre mélancolie.