Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 19-05-2009 à 15:09:51
Unica Zurn, le dossier de la folie.
Rassemblées avec un soin pieux, les lettres envoyées par Hans Bellmer à Henri Michaux, à propos de l'internement de sa compagne Unica Zurn, pour "folie", constituent un pathétique témoignage tant sur Unica Zurn elle-même que sur un aspect de Bellmer qu'on n'imaginait pas aussi scrupuleusement attentif à autrui, et qu'il était difficile d'apprécier tant l'homme resté enfermé sur lui-même, avec cette rigueur, ce dédain magnifique du Germain hanté par son monde et se frottant mal aux exigences de la réalité. On l'a connu dans la plus effroyable misère, quand il vivait (avec une Unica qu'il venait de "ramener" d'Allemagne), dans cette arrière cour de la rue Mouffetard où tous deux gravaient à la lumière avare d'une pièce qui avait des allures de sous-sols.
Bellmer n'était pas l'homme de la palabre, et sa discrétion confinait au dédain, comme s'il préférait s'enfermer dans sa solitude mentale, intellectuelle et affective.
Ses amitiés furent balisées par des réalisations qui scandent toute l'aventure de l'esprit, de Breton à Gracq en passant par Bataille et sous le signe obsédant de Sade. Ce qui entretenait une manière de légende autour de lui, et dispensait les frissons d'une réputation sulfureuse.
Unica, dans ce climat, se trouvera en complicité, et sans doute aussi, parfois, en conflit. J'ai le souvenir d'une équipée à Ermenonville où le couple avait trouvé refuge. Unica y écrira et dessinera de minuscules géographies fantasmées sur des boites d'allumettes. Le feu était sur la boite en imagerie faussement naïve. Comme des blasons de souffrance. Les portes de l'enfer.
Cette poignée de lettres qui témoignent de l'enfermement d'Unica ne peut qu'évoquer le cas d'Antonin Artaud à Rodez (Lettres de Rodez à Henri Parisot).
Cernant la folie, les mots la ramènent aux dimensions du quotidien, pour le rendre pathétique.