Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 30-05-2009 à 11:01:01
Antoine Blondin au comptoir.
C'est le genre d'images
que l'on enregistre et qui définissent une fois pour toute une rencontre dans notre mémoire. Le lieu : Le Rubens, un modeste estaminet rue Mazarine, à l'angle du porche qui conduit au Passage Dauphine et, il me semble, dans l'immeuble même où avait vécu Robert Desnos (ce qui était un significatif parrainage). J'ai appris par la suite que Blondin habitait au 72 de la rue Mazarine.
Au comptoir, bavard, entouré et fêtard, un homme dont on percevait une élégance naturelle en dépit de vêtements usagés, avec un rien de coquetterie dans le détail. Mais surtout une tête admirable, chauve mais justement mieux sculptée dans sa masse et fort expressive. C'était Antoine Blondin. La légende.
Il était déjà presqu'au terme de sa vie (il est mort en 1991) mais le découvrir si tard ne faisait que mieux cerner l'étonnant parcours de celui qui s'est délibérément écarté des voies royales du politiquement correct au lendemain de la guerre.
J'aimais (sans nécessairement partager la chose) qu'il fût d'une droite franche, joyeuse, conquérante, alors que derrière les prophètes de Saint Germain des Près il n'était bon que d'être à gauche. Il affichait des admirations propres à le jeter dans l'excommunication des penseurs qui faisaient la loi intellectuelle du moment. Vénérer Marcel Aymé était du dernier mauvais goût et rendre juste à Robert Brasillach vous menaçait des foudres de la justice. Enfin il rendait justice au "génie" de Louis Ferdinand Céline, ce qui est une manière assez directe de se faire jeter dans les poubelles de la pensée. L'hypocrisie intellectuelle ne l'atteint pas et il aurait plutôt tendance à la provoquer. A sa manière c'est un rebelle.