Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 05-06-2009 à 11:29:46
En bonne compagnie d'André Fraigneau.
Encore une rencontre manquée. J'avais Fraigneau au téléphone (suite à un article dans la Quotidien de Paris). Remerciements, potins et proposition d'un rendez vous. Il était un voisin (de la rue Saint Romain à la rue Récamier il y a une poignée de pas dans un quartier qui respire le confort et la sérénité).
Accumulations de petites choses qui nourrissent le quotidien et Fraigneau meurt. Trop tard pour connaître cet être assez étrange (et sans doute séduisant) pour avoir créé une légende autour de lui. En dépit d'une "production" (l'horrible mot) littéraire modeste et une audience presque clandestine, il brillait d'une aura qui est de la nature des vrais réputations ( comme il en fut pour Julien Gracq). Encore que Fraigneau fut assez répandu, et fréquente dans sa jeunesse tous ceux qu'il fallait connaître de Cocteau à Malraux, en passant par Drieu la Rochelle, après avoir reçu l'onction de Maurice Barrès ce qui, pour un écrivain de sa génération, c'était comme être béni par le pape alors qu'on est encore un enfant de choeur. Tenu en marge de la grande avancée des gloires des années 30 il devient, sans l'avoir voulu, une sorte de gourou des écrivains qui, dans les années 50, refusent l'engagement, le militantisme politique, se détournent de Sartre et de ses lieutenants et composent ce qu'on aura baptisé "Les Hussards" (référence à Jean Giono, leur idole).
Il y a là Antoine Blondin, Michel Déon, Pierre Boutang, une belle génération de flambeurs (Rogier Nimier est leur mentor). André Fraigneau écrivait clair et presque classique mais avec quelque chose de la grâce qui donne aux mots leur azur et leur transparence. Un plaisir tranquille, innocent. Indécent quand le monde est en souffrance, peut-être.