Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 07-07-2009 à 17:15:58
Anna (de Noailles) au lit.
Anna de Noailles.
Elle aussi est condamnée à
"garder la chambre" pour raison de maladie. Elle aussi, née Brancovan,
fréquente, surtout après son mariage avec un de Noailles, ce monde que
Proust avait déjà investi. Le même, entre futilités, vanités et
calculs, qui n'altère pas les forces principales de son génie propre.
Une adhésion sensuelle, profonde, avec la nature. Retirée dans sa
chambre du 40, rue Scheffer (dans le 16° arrondissement de Paris), elle
poursuit une oeuvre surtout poétique : L'ombre des jours, Les
Eblouissements, Les Vivants et les morts, Les Forces éternelles. Sa
gloire quasi officielle cache la part la plus captivante de sa
démarche. Une saturation sensuelle qui vidant le corps de sa substance,
nourrit un verbe d'ardeur et de souffrance, à la sensualité chargée de
coloration orientale due à ses origines. Tout comme Proust exploite
avec ferveur les souvenirs d'une enfance aux riches connotations
sensorielles et mémorielles, Anna de Noailles s'appuie sur le caractère
merveilleux (et d'un luxe tapageur) mais qui l'écrase, entretenu dans
l'hôtel particulier du 34 avenue Hoche, où l'on cultive le souvenir d'
ancêtres prestigieux, en leurs terres de Valachie et dont se sent
débiteur son père Grégoire Bassaraba de Brancovan, et la "campagne" des
bords du lac de Genève où sa famille possède une villa à Amphion, où
elle "écoutait, les voix de l'univers". Une oeuvre formée dans
l'enfance et formulée dans le tapage d'une vie d'abord mondaine avant
d'être recluse.