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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 19-07-2009 à 10:40:58

Portiques pour le Soleil dans la tête.

20h13 - l'arrivée de Cécile - Général
L'arrivée de Cécile.
Disposant d'un lieu qui s'y prêtait on pouvait songer joindre au plaisir des livres celui du dessin ( de l'image). Arrive Cécile, la jeune femme d'un poête confidentiel et belge de surcroît. Elle conçoit des dessins d'une grande fraîcheur, aérée, où passe, furtive, l'imagination sensuelle de Matisse qu'elle admire, et la douceur tranquille d'un quotidien qu'elle vit, sereine, dans un beau et grand mas de Saint Etienne du Grès, près de Saint Rémy de Provence.
Il est cerné par la chant aigre et tenace des cigales et la ferveur du plein soleil de l'été. Elle passera bientôt de cette graphie tranquille vers des débordements de matière picturale, la véhémence de la couleur qui occupe la toile comme une coulée de lave, l'intempérance des orages, nullement une colère mais la profusion de la nature. J'oubliais son nom, elle s'appelle Cécile Miguel. Il fallait un poète pour introduire une oeuvre encore peu connue, ce fut Jean Rousselot qui s'y emploiera. On la retrouvera bientôt à d'autres tâches et dans la splendeur de son aura personnelle.

 
15h56 - le tabouret d'Artaud - Général
le tabouret d'Artaud.

Plus qu'une boutique le lieu faisait plutôt penser à un bureau d'un intellectuel un peu "désordre". Son mobilier était pauvre et fait de meubles provenant certainement de quelque vieux grenier, mais il y avait là, reconnu pour authentiquement lié à son histoire, un tabouret dont faisait usage Antonin Artaud, familier du lieu quand il était, à la fin de sa vie, pensionnaire du docteur Delmas à Ivry sur Seine. Lorsqu'il avait raté son dernier métro il venait se réfugier chez son ami Michel Roethel gardien alors du local et qui y menait de doctes parties d'échec. Il était l'éditeur d'une précieuse revue de poésie sous le titre III° Convoi que l'on peut,  avec quelque chance, trouver encore chez des libraires spécialisés en surréalisme. De presitigieux collaborateurs s'y retrouvaient, dont Artaud justement, ou encore Georges Bataille, Yves Bonnefoy, Raoul Ubac etc...


 
11h49 - poussière de livres. - Général
poussière de livres.

Nous voici dans les lieux. Etroit couloir garni de vieux rayonnages. C'est une bouquinerie. La fine fleur de la littérature expérimentale est là, entre Georges Bataille et Xavier Forneret. Tout ce qu'une clientelle discrète, fureteuse vient glaner entre un cours à la Sorbonne et un pot entre amis au Petit Suisse voisin, le café où Jean Louis Barrault vient entre deux représentations, portant musette d'où s'échappent comme poireaux du cabas d'une menagère, les textes en répétition (j'avais rencontré rue de Médicis, à côté Paul Léautaud qui, lui, portait vraiment un cabas bourré de nourriture pour ses chats). Le Soleil dans la tête (l'enseigne était encore fraîche) prenait place de ce qui avait été Le Palimugre, une boutique où Jean Jacques Pauvert faisait ses débuts dans l'édition.

 
Dimanche 15 juillet 2007
18h27 - histoire d'un lieu. - Général
histoire d'un lieu
D'un livre ( c'est beaucoup dire) on passera à un lieu.
C'est le Paris de Robert Doisneau, voitures rares et enfants au milieu de la rue, la bonheur quoi ! On est rive gauche, la rue de Vaugirard amorce d'abord sa montée depuis le boulevard Saint Michel avant de dévaler jusqu'au théâtre de  l'Odéon et le jardin du Luxembourg, elle croise la rue Monsieur le Prince, on aurait pu y rencontrer Jules Laforgue en d'autres temps. On s'arrête au IO, c'est un hôtel. Du genre douteux, mais correct d'apparence

Il est surtout fréquenté par des poètes américains. Le propriétaire est secrétaire du romancier Marcel Schneider, auteur de romans fantastiques ( côté Julien Gracq) et musicologue réputé. C'est au 10 que, jeune marié, Emile Zola s'installe, au 8 Verlaine fit étape dans sa longue et misérable errance parisienne. Le ridicule Robert de Montesquiou ( qui est le modèle de Charlus dans la Recherche du temps perdu de Proust) venait lui tenir la main et lui glisser un peu d'argent. Il avait la richesse parfois humaine. On reviendra le moment venu sur l'aventure du 10 rue de Vaugirard.