S'il arrive qu' un homme ressemble à un paysage, au paysage de sa naissance, c'est bien Eugène Guillevic. Il jaillit à la vie dans la proximité du site de Carnac. Il lui empruntera son aspect rugueux, cette verticalité autoritaire. Non que l'homme fut impressionnant. Il y avait quelque chose de "bonhomme" en lui. Fonctionnaire (par nécessité) et communiste (par conviction) il va entrer en poésie sous le parrainage de Paul Eluard dans ces lendemains de cauchemar que fut la Libération et, d'emblée, rencontrer l'estime de ceux qui, à l'époque, tenaient le haut du pavé et faisaient la loi dans l'édition. Années fastes pour une certaine poésie sans concession ni coquetterie. Guillevic (l'énoncé même de son nom annonce ses poèmes) offre une certaine aspérité qui le protège de toute préciosité. Quelques exemples :
Pas d'aile, pas d'oiseau, pas de vent, mais la nuit,
Rien que le battement d'une absence de bruit.
ou encore:
C'était
Sur le sommet des arbres.
Un soleil
Qui lui aussi
Voulait toucher.
Dans l'économie il trouve sa force.