posté le 03-08-2009 à 12:07:21
Lautréamont fidèle du Passage Verdeau
On peut imaginer que Lautréamont, en "riverain", l'empruntait chaque jour. Il lui suffisait de traverser la rue du faubourg Montmartre où il demeurait au 32 (en 1869 et au 7 en 1870 ) pour s'engouffrer dans les entrailles de cet étrange animal urbain, tout en mystères, suggestions imprévues, curiosités en tous genres, avec, prédominant, les boutiques de libraires. Boutiques tant par leurs dimensions modestes, et une unique ouverture sur le passage, sans quoi elles n'auraient pas d''existence sociale. Elles sont plutôt des cavités que de vastes espaces, et intimes en leur atmosphère, avec, tant pour agrandir leur espace d'exploitation commerciale qu'inviter le promeneur à s'y arrêter, des "caisses" disposées sur leur façade, suscitant l'envie, signifiant le style des "productions" que l'on peut y trouver. Et ce sont, bien plus que partout ailleurs, des relais où l'on s'intéresse à la littérature dans ses aspects les plus nobles.
Les passages sont fréquentés par une faune bien différente de celle qui circule d'abondance sur les grands boulevards tout proches. Ceux ci sont les fleuves tourmentés et rudes des foules, ceux-là de modestes ruisselets où s'attardent ceux qui s'y engagent. On y croise ceux qui optent pour la flânerie
Tout l'art de la promenade c'est de choisir des itinéraires à son humeur, souvent à sa ressemblance.
Lautréamont, donc, musardant dans cette lumière glauque d'aquarium qui fait le charme et l'étrangeté de ces artères échappant ainsi aux rumeurs et violences de la rue pour enfermer ceux qui les fréquentent dans leur propre fantaisie, leur intimité juste frôlée par ce qu'ils y rencontrent, y découvrent.
On n'y viole pas le regard ni la sensibilité du passant, on lui murmure des charmes inconnus, furtifs. Ne sont-ce pas nos modernes sirènes tant redoutées par Ulysse ?