posté le 03-08-2009 à 14:39:26
Le Facteur Cheval, des rêves de pierre.
Pierres à pierres, transportées dans un simple brouette de jardinier, sa tournée de facteur terminée, il les accumule, les assemble, construit comme dessiné par un poètes pris de folie, une construction étrange, pleine de circonvolutions, de cavités, d'excroissances bizarres
, et bientôt dominées par une forêt de tourelles, cheminées, miradors à rendre jaloux le château de Chambord, mais comme lui répondant à un rêve dément. Ici d'un roi qui avait le pouvoir de le commanditer, là d'un presque manant mettant la main au coeur de son projet et y sacrifiant sa vie.
Tout comme le douanier Rousseau (mais il est un peu son frère en architecture), il met dans son oeuvre la foisonnement de rêves qui l'habitent et qui s'alimentent, faute de voyages, de la consultation à la veillée de ces formidables publications qui, à la fin du XIX° siècle, apportent, dans les foyers, toute l'émotion du voyage, les images fabuleuses d'un exotisme encore vierge de toute exploitation commerciale et de congés payés. Des lointains fabuleux mais aussi porteurs de culture. Il est significatif de voir que le facteur Cheval, tout comme le douanier Rousseau, autodidactes, sont soucieux de parfaire leur culture, d'élargir leur horizon quotidien par ces constructions maniaques, minutieuses, ces agencements de formes empruntés au Magasin Pittoresque et qui deviennent des oeuvres originales, à la mesure de leur personnalité, à la fois discrète, écrasée par les contraintes d'une réalité qu'ils refusent, qu'ils défient, qu'ils contournent, qu'ils provoquent. Offrant leur réalité, et nous invitant avec insistance à les partager. Ce sont, paradoxalement, à la fois des oeuvres profondément personnelles, et ouvertes. Témoignant d'un souci tenace, presque maladif, de communiquer la puissance de leurs rêves.