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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 08-08-2009 à 14:23:52

André Breton face au miroir.

Celui qui se regarde dans la glace, (Izis à appuyé sur le déclencheur) a cet air effaré de celui qui se découvre. Angoisse ou prise de conscience que le temps fait son travail, et que les invectives de la jeunesse s'engloutissent dans le savoir, la diffusion et la banalisation. Faut-il militer pour l'exceptionnel, le singulier, l'inabordable, l'impossible. Pour ceux qui découvraient Breton, dans les années 50, et avaient l'âge de toutes les promesses, de tous les espoirs, de toutes les angoisses, chaque mot du "Manifeste", de ses livres difficilement trouvés (et Nadja était un mythe), avait valeur de clef. Pour ouvrir la porte du Graal.
On s'épuisait de banalité, trépignait sur d'absurdes versions latines, apprenait que Gide venait de mourir (encore un guide de la jeunesse, mais celle de nos aînés). Alors on s'accrochait à des livres, et j'admirerai, un peu après, le peintre Hantaï qui avait décidé de se coucher sur le paillasson de l'appartement de Breton, 42 rue Fontaine, pour être certain d'être reçu par lui. De le voir, d'entendre les mots que l'on attendait. Bien après je le rencontrais parfois, par hasard, dans des cafés, et la conversation ne dépassait pas les banalités d'usage. Au Soleil dans la tête, où il lui arrivait de s'arrêter (pour saluer un exposant qu'il connaissait par exemple), il prenait ce ton docte qui créait la distance obligatoire entre le maître et le disciple. Et je n'étais même pas un disciple, un de ces petits jeunes qui gravitaient autour de lui, dans les années 60, pour se donner du lustre, et se dire "surréaliste" officiel.