posté le 13-08-2009 à 15:22:14
L'écriture éclatée.
Est-ce un faille pour celui qui veut se vouer à l'écriture, ne vit que par elle, que ne pas être capable (de ne pas avoir l'envie) d'écrire un roman. Un vrai. Avec des personnages, des situations explosives, des rebondissements, des paysages plantés comme des décors. Bref, une organisation du monde qui soit le reflet (l'écho) de la société. Du côté de Balzac (un monde à lui seul), de Zola (quel journaliste !). Ne pas être capable. Ne pas vouloir.
Alors écrire revient à jeter sur le papier des phrases qui se cherchent une raison d'être, qui se fabriquent des petits bijoux. Vain exercice mental ?
Je n'aime la littérature qu'en fragments, marges, éclats d'une grande chose qui n'existe pas. Une littérature qui ne fait pas que raconter mais se faufile dans les plis les plus secrets de nos émois, de nos sensations, ou encore qui émiette la réalité moins pour raconter que croquer les gens, les situations.
On ira de Cioran à Gaston Chaissac (un exemple). Point de contradiction en cela. Ecrire au fil de la plume en passant d'une simple notation à une réflexion (modeste) sur les angoisses qui nous assaillent car je ne pense pas qu'un esprit dégagé de toute inquiétude se complaise à perdre son temps dans l'écriture qui peut aussi être une épreuve. On y peine, on s'y essouffle, on s'y tue.
Alors Proust ?
Un cas. Il ne faut pas lire simplement la Recherche (s'attarder sur la force du terme employé ici) pour suivre une histoire ( de gens plutôt méprisants et méprisables) mais lire entre les lignes, dénicher des saveurs, des couleurs, des odeurs qui se justifient à elles seules. Sont des perles dans la coulée des mots, le déploiement élastique des phrases.
Alors la poésie peut-être. La poésie oui. Mais quel gâchis, de poèmes faussement suaves, dégoulinants d'idées reçues, tournant autour de l'amour comme seul sujet. Qu'on se souvienne de ce texte de Georges Bataille : "La Haine de la poésie". Nous voilà fixés. Et pourtant à bien chercher dans la masse confuse, que de levées exemplaires sur la sagesse, la grandeur de la vie (quand elle est menée avec art). La poésie c'est l'auberge espagnole de la littérature. On y trouve de tout et surtout ce qu'on y amène. Et tout le monde n'est pas René Char ou Apollinaire, Rimbaud ou Cendrars, Pessoa ou René Guy Cadou. Il y a de tout là dedans, mais autant de portes ouvertes sur le monde tel qu'on le rêve.