Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 26-08-2009 à 12:26:11
Le voyou Rimbaud.
Il est des sujets tabous. Contester, critiquer certaines catégories sociales relève du délit. On peut nous entraîner devant les tribunaux pour quelques remarques jugées désobligeantes, voire criminelles par exemple si l'on porte un jugement sur les juifs (ayant plus d'indulgence, inexplicablement, quand il s'agit des chrétiens ou des musulmans).
Il en est de même en littérature et curieusement vis à vis de ses figures les plus déterminantes. Sade ici, Rimbaud là (pour l'exemple).
Rimbaud donc. Sans nul doute une plongée dans la verbe que nul n'avait osé porter si loin, quitte à s'y perdre (et lui, en fuir les prestiges), une radicalisation du rôle de la poésie qui l'érige en modèle ; peut-être en fait-on une sorte de saint et martyr comme l'église catholique a tant aimé en placer sur le calendrier des postes.
Le surréalisme à travers Breton, son mentor, aura été l'un des plus clairvoyants détecteurs de son temps et on lui doit une révision radicale de notre panthéon littéraire. On peut le suivre. Et la gloire de Rimbaud (tout comme celle de Lautréamont) lui doit beaucoup. Alors, peut-on oser émettre des réserves sans passer pour un lourdaud, un béotien, quelqu'un, justement, de cette catégorie que l'enfant génial de Charleville poursuivra de sa haine.
La traversée du verbe (comme il y a la traversée du miroir - mais n'oublions pas en retenue et sans se croire obligé d'agresser l'opinion, le rôle aussi essentiel de Mallarmé) aura conduit Rimbaud à fuir jusqu'à la reconnaissance qu'elle entraînait. D'où ce Rimbaud double : l'enfant insolent (et parfois irritant) du Quartier Latin et des Vilains Bonshommes, et le marchand d'arme du Harrar. Un palmarès qui donne, à en croire ses biographes, les clefs pour le comprendre. Mais n'est-ce- pas là une assez complaisante et naïve manière d'excuser ses "mauvaises manières".
Le génie (?) doit-il tout excuser ?
On voudrait nous le faire admettre. Au prétexte que la réalité est horrible, mais nul n'y échappe ; peut-on tout oser pour la contredire, quitte à y sacrifier la qualité des rapports humains. Par exemple (il y en a de multiples), l'attitude de Rimbaud vis-à-vis de Verlaine confine à la plus détestable muflerie (ne va-t-il pas jusqu'au chantage pour affaire de moeurs dont il était lui-même l'objet trop aimé) et l'on passera sur de louches trafics comme des ventes d'armes accomplies dans la plus parfaite tradition des aventuriers les moins recommandables.
Alors on portera sur l'autel de toutes nos admirations un petit voyou qui avait tenté, par la poésie, d'outrepasser l'horreur du quotidien, d'un réel qu'il frappait de son plus total mépris. Il en résulte des poèmes d'une vertigineuse beauté. mais fallait-il pour cela se rendre odieux ?