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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 14-09-2009 à 11:02:34

Le complexe de Pompéi selon Pannini.

Comme Hubert Robert en France, Pannini s'est délecté des ruines qu'il trouve en abondance dans la Rome qu'il sillonne en tous sens, offrant un véritable inventaire des monuments. Mais contrairement à Piranèse il n'en fait pas le décor de saynètes pittoresques et l'affronte dans un souci archéologique qui lui attire les faveurs de ces esprits cultivés (dont ceux qui font "le grand tour") qui aiment constituer des cabinets de curiosité où les objets naturels (voire scientifiques) côtoient les peintures qui, elles-mêmes, sont des images d'architecture. Poussant à son comble le procédé, il va jusqu'à imaginer un cabinet d'amateur entièrement dévolu à des vues d'antiquités. Il rejoint l'esprit d'encyclopédie qui fait ses débuts et va totalement modifier le comportement des intellectuels de l'époque.
Cette orgie archéologique a de quoi réjouir l'esprit. Curieusement, elle comble une inquiétude mal définie qui conduit les sociétés sur leur déclin à se délecter de l'état de ruine qui signifie la chute des précédentes. une complaisance vis à vis d'un état de désastre qui devient une drogue.
On aura connu dans les années 70, en Europe, un mouvement lui aussi fortement marqué par ce goût de la ruine, et une référence parfois frénétique, à la mémoire, comme ferment de connaissance. Comme si le souvenir des désastres de la dernière guerre alimentait moins un esprit de revanche qu'une masochiste délectation. Ce sera le " Complexe de Pompéï."
De Wolf Vostell à Chrisitan Bolantski, des Poirier à Olivier Brice, d'Arman à  Adzak, de W.Gafgen à Yvon Theimer,  ce sera à celui qui offrira la plus spectaculaire suggestion de ce désastre latent. On y célèbre moins les fastes de la mort que ceux de la destruction (d'où la reprise des antiques, de la ville en ruine) et n'est-ce pas  A Speer, l'architecte d'Hitler qui avait construit le Berlin de son maître (inachevé) en se souciant de l'aspect qu'il pourrait avoir en ruine. Comme si cette perspective était fatalement contenue dans le projet, fut-il comme ici mégalomane et ostentatoire. D'ailleurs la ruine, ne serait-ce celle d'un bâtiment modeste lui donne une espèce de grandeur qu'il n'avait pas dans sa conception primitive.
Le destin collectif de l'homme serait-il de trouver sa grandeur au delà de sa disparition ?