posté le 16-09-2009 à 14:51:57
Huysmans chez les sodomites.
Evoquant les établissements de bain (de la rue de l'Aracade) où il se rend volontiers, Proust le fait sans fausse honte avec une sorte de lucidité qui correspond assez mal avec l'hypocrisie d'Albertine qui camoufle son amour pour son chauffeur (Alfred Agostinelli). Huysmans, dans une identique fréquentation de lieux qu'il juge glauque, suffoque d'indignation, trahissant ce sentiment équivoque et partagé qu'il aura toujours avec la dimension du péché.
Une lettre en souligne toute l'ambiguité.
"Le monde des sodomites, votre livre, votre lettre me font revivre d'effrayantes soirées que je passai dans ce monde là où j'étais conduit par un garçon de talent dont les joies déviées ne sont un mystère pour personne. J'y passai quelques jours puis l'on s'aperçut que j'étais un faux frère et je parvins, après avoir manqué d'être assommé, à m'en tirer....Un soir, dans un cabaret de la rue des Vertus, occupé par ce monde-là, et où des tapettes de soixante ans, fardées comme de vieux acteurs, opèrent derrière un rideau, je vis entrer un théâtrier connu. Il allait lever dans ce rendez-vous. Jamais je ne vis quelque chose de plus sinistre. La tête de cet homme, livide, d'une tristesse à faire pleurer, fouetté par son vice, comme poussé dans le dos et se dégoûtant, et se rebiffant évidemment, et y allant quand même, avec le collet de son paletot relevé ! Quand on a vu cela on peut vraiment remercier le ciel de ne pas vous avoir donné des goûts pareils".
Etrange missive, d'autant que Huysmans, après avoir analysé les tares et les folies d'un décadent, va se replier sur un mysticisme étroit que l'on dirait inspiré par la peur, faisant penser à ces cocottes qui vivent la folie du grand monde et de la galanterie et finissent dans la dévotion et le regard porté sur la croix.