posté le 18-09-2009 à 12:31:46
Commérages chez Goncourt.
Le grenier des Goncourt (en fait celui d'Edmond, son frère Jules étant mort) est un des hauts lieux de la vie culturelle fin de siècle, et le laboratoire d'un commérage littéraire que conduisent quelques personnages complices dans leurs ambitions et leurs buts de créateur.
Pourtant il apparaît aussi aux yeux de certains témoins comme le cadre d'un rite conventionnel et plutôt négatif. Il s'en dégageait un ennui insupportable à en croire Robert Baldick. Et Huysmans fait à son ami Guiches une confidence : "Encore, si on pouvait y expédier ses dévotions en quelques minutes et filer dare-dare. Mais ce n'était pas possible, il faut rester jusqu'au bout.... chaque greniériste sait que s'il était assez imprudent, assez fou pour s'en aller avant que tout le monde soit parti, la porte à peine fermée, les demeurants se jetteraient sur son oeuvre, et qu'en un rien de temps, elle serait dépecée, déchiquetée, dévorée jusqu'à ce qu'il n'en restât plus un lambeau, une miette ! Alors, pour éviter d'être mangé, on tient bon, on reste. Et Goncourt qui ne remonte jamais jusqu'aux causes, que seuls les effets intéressent, se plaît à proclamer que sa maison est trop petite et ne peut contenir tant d'amis".
Un ami de Huysmans (Guiches) avouera après une visite avoir été impressionné par le cadre : les livres rares, les gravures du XVIII°, les estampes japonaises composaient un décor fastueux et raffiné. Abordant l'allure du maître de maison il remarque : Goncourt lui-même, très droit, la tête couronnée de cheveux blancs, trônait à un bout du grenier, le cou entouré d'un foulard de soie blanche, tordant nerveusement entre ses doigts délicats, un vieux chapeau de feutre auquel il imprimait des formes étranges.
Il souligne l'ennui qui se dégage de cette assemblée très formelle, narrant sa manière feutrée d'esquisser une fuite au milieu d'un nuage épais de la fumée des cigarettes.
C'est pourtant dans ce climat de complot que se prépare la création de l'Académie Goncourt qui rassemble ses ultimes amis. Il y avait là : Alphonse Daudet,, Huysmans, Octave Mirbeau, les frères Rosny, Léon Hennique, Paul Margueritte et Gustave Geffroy. La vie de l'Académie Goncourt va peu à peu dominer la vie littéraire et créer une course au prix qui en fausse totalement la véritable valeur.