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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 24-09-2009 à 15:12:12

Monet sur la ligne de flottaison.

Avec lui la peinture va jusqu'au bout de ses limites. Encore attachée à la réalité elle n'en donne pas une image de convention (prétendue réaliste) mais une exploration visuelle pour atteindre la vie élémentaire, les frissons de la vie dans le moindre coin de nature encadré par la toile comme un moment d'exception c'est à dire de jouissance. Car peindre c'est dire le plaisir d'adhérer à son sujet jusqu'à s'y fondre. C'est moins "montrer" que "dire" en se faisant soi-même le contenu de son sujet. C'est donner à celui-ci une présence ardente, totale, comme celle d'un individu, ou quand il s'agit de la nature, la faire si proche de nos sens qu'on s'y assimile, s'y perd.
Ce serait le rêve d'Ophélie, de faire corps avec l'eau. Monet, au terme d'une longue vie d'expérience et de défis, a longuement tourné autour d'un simple bassin, planté de nymphéas (à Giverny) et avec une obstination qui se donne en exemple, interrogé ce morceau de nature qui s'active d'une vie continue, multiple et parfois mystérieuse. Dans ce jeu subtil entre lumière du ciel et le miroir des eaux animées par une végétation surgissante. Image du dynamisme de la vie (presque invisible à l'oeil nu) et de la lenteur. Oh temps, suspends ton vol !
Conduire la peinture à cette extrémité de la réalité c'est la condamner à devenir elle-même le principal personnage de l'aventure dont la toile est la scène. Disant la réalité elle s'expose elle-même pour ce qu'elle est. Un vigoureux coup de pinceau, une coulée languissante, des taches qui se catapultent, un déchaînement de propositions graphiques qui envahissent la toile, perdant peu à peu leur identité croit-on, et, de fait, allant de plus en plus en profondeur dans ce qu'elles montrent. Elles nous forcent à voir différemment, avec plus d'attention, en allant au coeur du réel et non en restant en surface comme on en a l'habitude.