posté le 24-09-2009 à 15:23:49
Alphonse Lemerre et Céline au Passage Choiseul.
A suivre Céline quand il l'évoque c'est l'enfer : " Il faut avouer que le Passage, c'est pas croyable comme croupissure. C'est fait pour qu'on crève, lentement mais à coup sûr, entre l'urine des petits clebs, la crotte, les glaviots, le gaz qui fuit. C'est plus infect qu'un dedans de prison. Sous le vitrail, en bas, le soleil arrive si moche qu'on l'éclipse avec une bougie. Tout le monde s'est mis à suffoquer ! On ne parlait plus que de campagne, de monts, de vallées et merveilles..."(Mort à crédit).
Céline passe son enfance au 67 puis au 64.
Au 67 sont installées maintenant les loges des comédiens du théâtre des Bouffes Parisiens, et au 64 on vend des fringues. Au terme d'un escalier en tire bouchon des bureaux, là où furent les pièces sombres et sinistres où il marmonnait sa rage.
Changement de décor (et d'époque) au 23, qui fut le siège des éditions d'Alphonse Lemerre. C'était le centre des Parnassiens. On y croisait Théophile Gautier, Théodore de Banville, Catulle Mendès qui en étaient les plus fidèles aux réunions informelles qui se tenaient "dans une sorte de mezzanine" au dessus de la boutique elle-même de taille réduite. Lemerre (précédemment vendeur dans la librairie religieuse qu'il racheta pour y établir ses propres éditions) y publiera les premiers poèmes de Verlaine. Et il édite "Le Parnasse Contemporain" qui rassemble toute une génération où s'affirme Sully Prud'homme et Lecontre de Lisle, militants pour une poésie de grande rigueur. Le catalogue s'étend jusqu'aux débuts d'Anatole France et de Barbey d'Aurevilly.
Un souvenir (fort vague et lointain). M'être rendu dans la légendaire boutique (dans les années 60) à la recherche des éditions alors négligées de Raymond Roussel qui y publiera ses livres, à compte d'auteur. Il y en avait encore, précieux dans l'indifférence qui les entourait. La boutique avait des allures provinciales et mélancoliques qui la faisait séduisante comme une vieille dame qui a beaucoup vécue et vous raconte sa vie si riche de rencontres. L'atelier d' une artiste peintre a remplacé les rayonnages soigneusement polis où dormaient dans une poussière respectueuse de leur oubli, ces livres qu'ornait la figurine de l'homme à la bêche.