posté le 02-10-2009 à 11:05:02
Artaud le dessin d'urgence.
S'il est courant que le poète dessine dans les marges de ses poèmes, Artaud lui confère une importance telle qu'il devient autonome et le place dans la catégorie des grands dessinateurs. Où se voit le travail même et les étapes de sa quête (tout comme chez Giacometti) chargeant le dessin à mesure qu'il s'y enfonce, comme à la recherche d'une vérité qui n'est pas au bout du crayon mais dans la texture même du support (le papier). D'où une certaine violence graphique qui ira jusqu'à la déchirure du support comme il lui arrive de la pratiquer.
Il fait, d'ordinaire, les portraits de ses familiers, de ceux qui l'approchent ou partagent sa vie (les Loeb, Paule Thevenin, Marcel Bisiaux), parvenant jusqu'à la ressemblance visuelle, mais bousculant celle-ci par des accidents des incises graphiques qui lui font comme une sorte de couronne où se tassent toutes les angoisses du modèle conjuguées aux siennes.
Ce sont comme des morceaux d'un éclat sidéral qui agressent une présence humaine. Précipitant ainsi le portait dans un espace qui n'est plus celui d'une simple ressemblance (somme toute rassurante) mais dans un climat d'urgence qui le transfigure, à moins qu'il ne le condamne.