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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 03-10-2009 à 11:22:56

Gisèle Prassinos entrée des medium.

Comme il y avait l'entrée des médiums, il y aura l'entrée de la femme dans le sein du surréalisme. On y cultive l'amour et l'érotisme, on y désigne des muses. Certaines, la plupart, sont dans l'ombre des hommes qui les fêtent. Inspiratrices, vénérées, adulées, souvent dénudées par la magie de la photographie de Man Ray qui accompagne les poètes dans leurs incursions verbales. Mais jamais entrée fut plus stupéfiante que celle de Gisèle Prassinos.  Elle fut d'emblée l'égale des hommes qui la célèbrent. Emettrice d'images ourlées dans le plus noir humour et dotées d'un pouvoir de fascination qui donnait raison à toutes les espérances formulées par ceux qui croyaient au miracle par la femme, "elle n'avait que quatorze ans quand fut donné de l'entendre pour la première fois, et c'était aussi la reine Mab, la sage femme entre les fées, comme on ne sait pas traduire" dira André Breton, lorsqu'il la placera dans la prestigieuse sélection de l'Anthologie de l'Humour noir, aux côtés des plus retentissants pourfendeurs de la logique rationnelle, ciment de notre civilisation occidentale ; entre le marquis de Sade et le turbulent Jarry, et pas loin d'Apollinaire qui est bien le parrain le plus aimable pour un voyage en fantaisie comme celui que nous propose Gisèle Prassinos. Une petite soeur d'Alice qu'aurait aimé Lewis Caroll quand il n'était que le vénérable Charles Laugthon.
Une légendaire photographie éternise une intronisation dans le groupe. C'est l'une des photos historiques qui ponctuent la vie collective du surréalisme, cette flamme de complicité, qui génère les talents offerts à son incandescence renouvelée et les reconduit vers de nouveaux et fabuleux horizons.
Gisèle Prassinos apportait l'ambiguïté séduisante de sa juvénilité physique et l'étonnante verdeur imaginative de sa poésie, une réponse foudroyante, et comme électrisante, aux ambitions jamais épuisées d'une incursion dans le verbe qui échappe à tout contrôle, et qui, jusqu'alors, n'avait été résolue et appréhendée que par la technique de l'écriture automatique ou les "sommeils". Des méthodes qui exigeaient que l'on se mette en condition, alors qu'innocemment une fillette encore en socquettes, apportait la fusion verbale et les éclats étincelants, crépitants, et parfois inquiétants, d'une poésie qui émanait naturellement d'une plume encore appliquée à la formulation du graphisme (qui se cherche), à la maîtrise des lettres et comme le produit le plus direct, le plus superlatif, de cette magie interne à la quête de laquelle aspirait toute l'oeuvre surréaliste.

Extrait un ouvrage en collaboration avec Jean Pierre Biondi : Les oubliés du surréalisme.