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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 10-10-2009 à 11:30:36

Man Ray, "un pervers, un criminel !"

Il était presque un voisin, j'aimais aller le voir dans son triste atelier de la rue Ferou, nichée derrière les solides tours de Saint Sulpice. J.K.Huysmans ne les disait-il pas habitées par une personnage qui n'était pas Quasimodo, mais peut-être son cousin.
Man Ray donc, le cousin de tous les révoltés de la terre.
- J'étais un révolté contre moi-même. Parce que j'avais une éducation très classique. Je suis passé dans des écoles, dont celle des Beaux Arts, je suivais les cours, mais je m'ennuyais énormément, et j'ai décidé finalement de ne pas m'ennuyer. Mon rêve : j'avais des copains qui sont sorti de l'école et sont devenus gangsters. Ils prenaient l'argent pour vivre. Je serai gangster. Seulement je n'avais pas ni le physique, ni le courage.
- Mais monsieur Man Ray, il n'est peut-être pas trop tard !
- Non c'est trop tard, et je suis paresseux ; maintenant je suis paresseux.
- Voulez vous que nous parlions maintenant de votre arrivée à Paris, venant d'Amérique où vous aviez rencontré Marcel Duchamp.
- C'est justement parce que Duchamp  (en 1921) partait à Paris que l'idée m'est venue de l'y suivre. J'ai pris le bateau et je suis arrivé...... le 14 juillet. Il y avait des lanternes dans les rues et tout le monde dansait.
- C'était de bon augure
- Duchamp m'a  emmené au café Certa où tous les jeunes dadaïste se réunissaient. Et là, le premier soir de mon arrivée, j'étais assis au Certa, entouré de Breton, Eluard, Aragon, Philippe Soupault, Théodorfe Frankel.. qui avait-il encore. Ah oui il y avait des femmes, la femme d'Eluard : Gala.
- C'était un bon parrainage en somme.
- Paris présentait-il pour vous des avantages, peut-être moraux. Enfin le sentiment d'avoir gagné votre liberté.
- Aucunement. Je voulais simplement quitter New York. Je m'ennuyais beaucoup là bas. J'avais des histoires avec des galeries, avec mes tableaux. On me critiquait, on m'attaquait. Un jour un visiteur demande une photo d'une de mes oeuvres. En toute confiance on la lui donne puisqu'il prétendait que c'était pour un  livre à paraître consacré à l'art vivant. Quelle ne fut pas ma surprise de la découvrir en effet, mais assortie d'un article venimeux. En regardant ce tableau je me dis que ce doit être un drogué, un pervers sexuel, et peut-être un criminel.
- En somme vous avez fuit New York parce que vous étiez un pervers et un criminel !