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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 25-10-2009 à 15:01:27

Proust l'avait dit.

On sait combien Proust est sensible aux noms. Surtout s'ils portent en eux la charge de l'Histoire dont ils sont le témoin, au mieux l'acteur, d'où l'attrait de ceux qui signalent l'appartenance d'une famille à un terroir. Signe tangible qu'une vie (une succession de vie avec une mission en héritage) aura trouvé son sens dans l'édification d'une identité géographique. Non qu'il y ait quelque raison de s'honorer d'en être l'héritier. Les plus grands noms sont souvent les plus chargés de secrets honteux, de malversations,  d'esprit cauteleux, tant, dans les sociétés qui ont fortifié leur pouvoir, ils  doivent naviguer en eaux troubles. Et ce n'est pas la présence, dans son arbre généalogique, de quelques glorieux  généraux ou prélats de haut rang qui justifie qu'on en tire un orgueil qui n'est que d'illusions. C'est Proust encore qui remarque combien l'attrait du nom s'efface devant la réalité de sa rencontre dans les personnages qui l'incarnent encore. Son prestige et son clinquant relèvent uniquement de l'imaginaire qu'on y porte, qu'on y transporte quand on préfère avoir derrière soi de l'épopée plutôt que le morne déroulement d'une vie sans relief et sans autre but que de survivre.
Toute promenade autour des "vestiges" de ce qui fut le coeur d'un fief, son incarnation symbolique, est emprunt d'une forme très particulière de mélancolie.
Témoin d'une chute, mais aussi du temps passé qui laisse ses traces les plus prestigieuses (palais, murailles, forts) comme le cadavre d'un rêve vécu, d'un rêve épuisé. A quels sentiments complexes de regret, se place celui qui retrouve le palais de ses ancêtres dans le fouillis d'une végétation qui reprend ses droits, impose ses lois sur ce qui fut la fierté d'un rêve rendu vivant par la pierre.
Les raisons de la fierté s'en sont allées, le  nom reste, qui n'est plus qu'un témoignage brouillé. Que d'héritiers de ducs placeurs d'assurances, de conseillers intimes du roi, par ce dernier chargés d'honneurs et de biens, vaguement concierges ou tenant une petite épicerie de quartier. Les grandes familles font le chemin inverse de celui qui conduit vers la gloire. Ils viennent de très haut pour s'enfoncer dans les tracas d'une vie qui n'est plus à l'image du nom qu'ils exhibent.

 

Commentaires

cybel le 29-10-2009 à 04:17:57
Reste l'image dont on reste drappé ppour la nuit des temps