posté le 03-11-2009 à 22:27:47
Robert Denos le veilleur du Pont au Change.
La pâle Sainte Geneviève de Paul Landowski, sur le pont de Tournelles veille sur un Paris qui fut Lutèce et de ce point de vue, redoutait l'arrivée sacrilège des barbares. Elancée et pieuse, elle n'est que l'ombre de cette aventure qui a des échos d'épopée. Par le fleuve viennent les envahisseurs, l'eau est la dynamique des voyages de conquêtes.
Il n'y a pas, sur le Pont au Change, de figure tutélaire pour défier l'ennemie. Simplement des mots, par un poète agencés en forme de mélopée. C'est Robert Desnos qui s'y est mis. Et avec l'ardeur de la colère, la fièvre de la foi.
Voici le veilleur du Pont au Change.
Une vision ample, où Desnos porte un regard sur un Paris aussi vaste que sa douleur quand l'occupant plombe les mots qui parlent d'amour et de liberté.
"Je suis le veilleur de la rue de Flandre.
Je veille tandis que dort Paris."
Et de divers coins de la grande ville surgissent des lieux d'où le veilleur assure sa mission : le Point-du-Jour, la Porte Dorée, la Poterne des Peupliers. "Au sud, au nord, à l'ouest / ce ne sont que fracas de guerre, convergeant vers Paris"
Alors Robert Desnos affirme son identité : "Je suis le veilleur du Pont au Change". Sa voix enfle et porte sur l'étendue du monde "dans les lourds relents de l'océan Pacifique" d'Alger, Honolulu, Tchoung-King, Fez, Dakar, Ajaccio, du lac Ilmen à Kief, et du Dniepr au Pripet.
Moins statufié que porté par une saine colère.
Point central de cette clameur immense, le Pont au Change, qui fait partie de l'univers familier de Desnos qui a tracé entre le Châtelet, les Halles et la Tour Saint Jacques l'itinéraire de sa quête poétique.