posté le 13-11-2009 à 11:05:23
Atget et la patience.
Un autre piéton, halluciné, va s'attarder dans ces paysages urbains. Halluciné ou plutôt obstiné. Patient. Il aurait pu croiser Rousseau (le douanier) sur son chemin. C'est un photographe : Eugène Atget.
Il est de moeurs austères et de patiente forgée à la rude discipline inspirée par son souci de piéger la ville à son éveil.
Tôt sur pieds, et la boite magique à ses côtés, sur le motif. On dit qu'il fut minutieux. Son métier l'exigeait. Et qu'il l'exerce en un temps où la technique était encore balbutiante, supposait qu'il supporte des temps de pose aux lenteurs propices à la réflexion. A la rêverie. A l'observation.
Nous allons vanter les charmes de la lenteur (souvenez vous des belles pages de Pierre Sansot). Son regard à fouillé des détails, déniché des secrets là où passent, distraits, ceux qui ne savent pas rêver. Le quotidien est plein de ces minuscules choses qui n'ont pas encore trouvées leur désignation avant qu'on ne les ait détruites. Alors on leur trouve une signification qui va jusqu'à reconstruire leur histoire. C'est qu'Atget devait se battre devant la montée des périls qui menaçaient Paris, les plans d'urbanisme du baron Haussmann, la pioche au service du pouvoir et des spéculateurs.
Il est partout là où la ville suinte de sa profonde mémoire, qui remonte parfois au moyen-âge. Un Paris de ruelles et de maisons de guingois. Un Paris du pauvre et de la tendresse. Les hommes y vivent un quotidien de labeur et de modestes fêtes. Des allures de campagne subsistent, jusque sur les hauteurs de Montmartre qui est encore aux meuniers, et bientôt aux artistes. Rousseau ira, son violon sous le bras (comme les petits personnages de Chagall). On le fêtera dans l'atelier de Picasso, un admirateur.