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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 28-11-2009 à 16:03:01

René Char, le poids des mots.

Chaque génération a ses maîtres, ses modèles.
Celle qui émerge dans les années 50 revendique Jacques Prévert et René Char sans qu'il s'y manifeste une contradiction entre la gouaille inspirée de l'un et l'ascèse de l'autre, portée à ses points d'incandescence.
En Prévert et en Char cette génération reconnaissait la soif de liberté dont l'avait frustrée la longue épreuve de l'Occupation qui avait ses martyrs (Max Jacob, Robert Desnos), et elle s'appuyait grâce à eux sur le Surréalisme qui aura été la grande aventure poétique de l'entre deux guerres. Un Surréalisme essoufflé, qui avait perdu ses repères, et dont les artisans majeurs avaient été longtemps absents (Breton à New York), encore qu'une poignée d'irréductibles avaient tenté d'en perpétuer l'esprit (le groupe de "La Main à plume" autour de J.F.Chabrun).
Mais le Surréalisme lui-même en temps que modèle avait perdu une partie de son prestige et de sa nécessité, la tragédie de l'Histoire ayant suscité de nouveaux élans qui s'incarnaient dans la poésie engagée d'Eluard, encore que celui-ci avait trop radicalement mis toute son énergie dans l'éclairage communiste qui n'était pas totalement partagé. L'émergence enfin de la pétillante Ecole de Rochefort ouvrait de nouvelles perspectives à ceux qui, dans ces années là, se revendiquaient poètes et  tentaient d'en incarner les valeurs.
La place de René Char y est, pour de multiples raisons, prédominante. Il aura traversé l'aventure surréaliste, aura gagné une figure exemplaire dans la Résistance, enfin donné aux mots toute leur force dans leur concision et le poème dans son retour à l'énoncé presque hiératique de la maxime.
Une creusée des mots infiniment plus fécondante que celle d'un Mallarmé qui porte à intellectualiser la poésie quand Char l'humanise.
Le temps lui donne raison, et rien de ce qu'il énonce n'a perdu de sa force et de son évidence. Il sort vainqueur de cette épreuve toujours radicale qui remet les oeuvres dans une perspective toujours changeante. Pour lui que l'on dirait fixée sur l'éternité.

 

Commentaires

Saintsonge le 28-11-2009 à 16:25:00
J'abonde dans votre sens de cette Poésie pulvérisée qui reste sienne et une ; quand je logeais en Avignon, j'eus l'occasion d'admirer l'immense bâtisse de son logis d'Isle-sur-sorgue,

là où le "capitaine Alexandre" recevait praquitement jamais, sauf d'un illustre visiteur venu de l'Elysée en hélicoptère, François Mitterrand..; "si nous habitons un éclair, il est au coeur de l'éternel", oui... Le lubéron a sûrement influencé le rocailleux rougeoyant de sa Poésie humanisante. Dussions-nous encore "Ralentir travaux" pour que cette Humanité aille au mieux, ainsi effeuillée dans ses "Feuillets d'Hypnos " ?..