posté le 01-12-2009 à 09:14:11
André Chénier sur les Grands Boulevards.
Le promeneur parisien rencontre toujours sous ses pas l'Histoire. Les piétons de Paris (Restif de la Bretonne, André Breton, Léon Paul Fargue, Jean Follain, Jacques Réda) sont le plus souvent sensibles à l'instantané, le bref signe de poésie qui surgit dans l'incident le plus banal. Jean Follain aura été particulièrement sensible à ce qui n'est pas le merveilleux surréaliste, mais son cousin dans le réel le plus banal. L'oeil aux aguets retient ces petits riens qui font chaque promenade une sorte d'épopée.
J'avoue y être encore plus sensible à des rencontres qui demandent, en plus de l'imagination, une certaine connaissance des histoires qui constituent la texture mémorielle des rues. Situer, quand ils existent encore, et même largement modifiés par le temps, les lieux qui sont liés à une aventure humaine et à une création. Retrouver dans l'espace de son quotidien, la présence tenace de la pierre, le souvenir d'une oeuvre, la mieux comprendre de cette rencontre avec ce qui fut le cadre de sa création.
Paris est ainsi jalonné par des phares de la mémoire, des "feux de brume", un balisage qui échappera au distrait, mais donnera à celui qui a la curiosité de s'informer, une dimension supplémentaire, un "aller" vers cet au-delà qui est l'invention d'une oeuvre, la mémoire que l'on en a.
Ainsi, André Chénier avait son domicile dans cet immeuble en forme de proue de navire sur les Grands Boulevards (97, rue de Cléry). Dans sa mansarde il avait vue unique et imprenable sur les rumeurs de la rue. Et pourtant il trempait sa plume dans les mythologies. Ne sont-elles pas de toutes les époques. Aujourd'hui encore, des figures de dieux et de déesses sillonnent les artères de ce très vieux Paris, englouti dans les fracas de la modernité. Il me semble entendre parfois, imperceptibles, des voix étouffées. Comme on peut entendre, quand on y porte attention, le chant des oiseaux dans les arbres. Ivres, semble-t-il de toute cette rumeur, mais vaillants.
Commentaires
Merci du complément d'information sur ce poète mystique dont je défends la quête (comme vous avez sans doute lu), et, j'apprécie cet angle où un choix de chemin s'impose à tout destin qui le rencontre ; Proust sur l'Haussman, et ce poète en cet autre grand boulevard (les Grands Hommes ont tracé aussi en nos mémoires leurs grands boulevards..!)