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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 09-12-2009 à 09:50:44

André Breton 42 rue Fontaine.

Pour toute une génération le 42 rue Fontaine fut une adresse mythique. L'appartement d'André Breton donnait, par de grandes baies, sur le boulevard et sa rumeur crapule. Côté rue Fontaine, on était encore en province et dans le souvenir tenace du siècle passé, quand Toulouse-Lautrec y vivait, qui, le soir, allait s'attabler au Moulin Rouge pour croquer les femmes cravachées d'une étrange énergie au feu de la musique et du sexe.
Voisin, ou presque, l'étrange Villiers de l'Isle Adam rendait son dernier soupir dans un logement misérable. Breton s'en souvenait qui avait une passion pour les destins marginaux, les sorts marqués par la fatalité de leur génie.
Au pied de l'immeuble benoîtement bourgeois, un théâtre à la vocation capricieuse. Quand on passait dans la rue à la hauteur de son entrée modeste, on avait une vue plongeante sur la salle, dans un bruit rassurant d'aspirateur et l'envolée des ménages aux heures de relâche. C'était  presque une leçon, de voir le lieu du spectacle rendu aux rites du quotidien. La magie de la scène s'efface vite quand le rideau est tombé.
L'attrait du logis d'André Breton, bien  qu'il fut protégé par le secret de la vie privée, c'est qu'il fut le théâtre de quelques unes des plus étonnantes expériences du surréalisme, du temps de sa splendeur (l'avant-guerre), ouvert alors aux amitiés fécondes, aux combats décisifs.
Breton à son bureau n'est pas le fonctionnaire de son oeuvre, mais une sorte de prophète en sa chapelle. Proférant des anathèmes, distribuant des accessits. Rendu à la vie bourgeoise, dépouillé de ses trésors (vide-t-on une église de son mobilier qui participe au culte), le lieu n'est plus qu'une caisse vide. Offert à la concupiscence des amateurs de souvenirs. Il faudra consulter l'annuaire du téléphone pour en connaître l'identité.

 

Commentaires

Saintsonge le 09-12-2009 à 15:36:56
Ah voilà une page qui plairait d'abondance à un ami écrivain connu en NRF qui, à l'époque, fut reçu par "le pape du surréalisme" à ce fameux 42; et, de m'en raconter souvent sa visite, chaque fois que nous nous voyons sur Dunkerque, moi, reçu chez lui comme il le fut par André Breton ; ah oui, forte page, à mes yeux...