posté le 08-01-2010 à 15:55:14
Victor Hugo et la tache.
Et Victor Hugo dans tout ça. Cette liberté acquise de laisser l'encre couler sur la feuille, s'inventer ses propres parcours, créer ses paysages (forcément fantastique), lever des saisons insolites (inédites ?). L'abstraction lyrique aura beau jeu de se chercher des ancêtres : dans les taches sur les murs, les fantaisies de la matière qui frémit doucement sans qu'on s'en aperçoive (comme expliquer ces tranches de couleur à l'intérieur de la pierre ?) et naturellement dans quelque crayon rendu fou par la puissance du lyrisme de celui qui l'utilise (encore Hugo).
L'abstraction lyrique qui a le seul tord d'avoir donné du talent à n'importe qui et de la beauté à l'accidentel, le furtif, le n'importe quoi.
N'est-ce- pas donner alors surtout du talent à celui qui reçoit, regarde et reconnaît dans le jeu des taches des paysages qu'il a en lui-même, enfouis dans sa mémoire et qu'il retrouve comme par l'effet d'un miracle.
Ce type de création implique un rapport plus intime avec l'oeuvre d'art. Elle murmure à l'oeil (comme on murmure à l'oreille des chevaux) un secret.
C'est bien l'attrait de ce qui ne joue pas l'emphase, le gigantesque, le collectif, mais entraîne vers un rapport de confidence. La force d'un Wols, d'un Henri Michaux, d'un Klee, face à un Léger par exemple.
Faut-il, pour être grand, que l'art soit ainsi étalé à la compréhension de tous ?
L'art social est une politique qui l'arrache à l'une de ses forces premières, être l'expression la plus directe d'une intimité. Il se rapproche alors de l'écriture, d'ailleurs il fait usage des mêmes instruments, sinon des mêmes techniques.
L'encre alors est à son affaire. Elle délivre des univers fabuleux, des confidences subtiles, le coeur palpitant de celui qui la guide vers ses excès, ses impudeurs, ses délires.