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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 14-01-2010 à 11:26:40

Alessandri le cordage nocturne.

L'essentiel de son travail de préparation implique l'utilisation du fil qui porte en lui tout une richesse métaphorique dont celle du labyrinthe. Fil qui joue ici le rôle du lien : celui-ci enserre la surface du tableau jusqu'à l'étouffement. Lien couvrant inlassablement, par une emprise étroite, répétée, obstinée et tranquille, une surface que des volumes, alors prisonniers, gonflent. Prison, piège suppose-t-on, à moins que cette croissance soit toute l'énergie en devenir d'une naissance, d'un surgissement. Fil, ou corde. C'est à dire aussi ce qui se tend. D'où ces sortes d'arcs qui s'inscrivent sur la surface en altière allure de  blasons. On pense aussi, parfois, à ces étranges instruments de musique des très hautes civilisations africaines et orientales.
Les oeuvres d'Alessandri en ont d'ailleurs toute la beauté mystérieuse et quelque peu inquiétante. Ce sont des instruments qui ne peuvent tenir que des cérémonies d'ombre, des parcours de nuit, des messes monstrueuses.
Quant on sait qu'il a été, au départ de ses recherches, fortement impressionné par les métiers à tisser, faits, justement, de fils tendus sur châssis, on comprend mieux sa manière de travailler par un jeu d'écrans additionnés faisant jouer les rythmes horizontaux et verticaux qui encadrent bien l'espace, le balisent, tout en constituant une trame.
On retrouve également ces écheveaux, ces quenouilles d'où le fil, lentement, régulièrement dévidé, va envahir l'espace. Et comment, devant ces oeuvres étales dans le temps, et parce qu'elles expriment son lent, régulier écoulement, ne pas  évoquer la patience incarnée en Pénélope dont l'oeuvre était inspirée par l'attente: cette manière, plus que tout autre aiguë de vivre le temps.

Extrait de la préface à l'exposition ALESSANDRI chez Noella Gest à Saint Remy de Provence en 1975, accompagnée d'un texte de Mario Prassinos.