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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 29-01-2010 à 10:17:13

Parlons peinture.

Injustement  André Lhote a mauvaise réputation parmi les peintres, le reproche de sa participation à la critique d'art étant alors invoquée. Comme si, raisonner sur l'art, tenter d'en cerner les problèmes, nuisait à sa pratique, quand le peintre se veut exclusif et dégagé de tout souci historique trop prononcé. Ce qui devient de moins en moins vrai pour autant que tout l'art actuel repose sur une réflexion sur le passé de l'art, et qu'il est souvent le reflet de ce passé, pour le défier, le nier, le contrer, le provoquer, le singer, toutes attitudes qui relèvent plus d'un instinct intellectuel que d'une approche strictement sensuelle (physique) de la peinture revendiquée par  les contemporains de Lhote qui jugeaient nuisible de théoriser.
Paradoxe encore quand on voit émerger  alors de nouvelles tendances qui impliquent une mise en forme des théories qui justifient les audaces nouvelles, les incursions dans des espaces nouveaux. Autant Malevitch que Mondrian, Kandinsky que Braque, Picabia que Masson, Max Ernst que Soulages ne répugnent pas d'exposer des théories sur lesquelles s'articule leur démarche.
De fait, autant le peintre figuratif échappe à ce souci de théoriser, autant le peintre abstrait se croit obligé de se justifier. Figuratif, on suit la nature, la réalité, donnant du style à une chose extérieur à soi, et qu'on absorbe, traduit ; le peintre abstrait tire sa substance de lui-même, de l'émotion à l'état pur, de cette réflexion qui le conduit à refuser le réalisme au nom d'une ouverture de la peinture sur l'identité même du monde dans son unité fondamentale. On ne peint plus le paysage mais la dimension (imaginée) de l'espace.
Parler de peinture c'est faire preuve aussi d'un certain dilettantisme mal vu, comme l'éclectisme qui passe pour de la futilité.
J'aime dans le terme même utilisé par André Lhote  une invite tranquille, bienveillante, comme s'il  nous proposait de nous rassembler au coin du feu pour deviser en toute simplicité.
Parler de peinture n'est-ce pas aussi parler de soi, de ses rapports avec le monde de l'art, de ses attentes, de ses trouvailles, de ses questionnements sans quoi nous n'avançons pas dans la vie.
Parler peinture c'est proposer une approche sensible, et parfois savante, de l'art qu'il ne suffit pas d'admirer passivement, mais dont on appréciera mieux la force proposée, si on en connaît mieux le mécanisme.