posté le 03-02-2010 à 11:00:04
Ruines domestiques.
Dans le contexte illuminant des revues qui, au lendemain de la guerre, tentaient de réveiller l'esprit surréaliste (autour de Scutenaire, Yves Bonnefoy, Max Bucaille, Noël Arnaud, Alechinsky) on avait proposé une lecture nouvelle et originale des ruines (on y vivait au quotidien, elles étaient notre horizon familier).
Il avait été question, quelque part, des Poupées de Dixmude (sans doute en Belgique) et, au travers d'une porte, dévalaient, comme une cascade, sur ce qui avait du être un escalier, des gravats dont l'ensemble avait quelque chose de suffoquant, d'insolite. Et d'une certaine beauté. C'était aussi le premier texte d'Alechinsky.
Alors que les ruines antiques, nettoyées par le temps, lissées par le vent, les mains des visiteurs, distillent une sorte d'impérieuse grandeur que n'avait peut-être pas le bâtiment en son état normal, et une once de mélancolie délicieuse, les ruines à l'état brut nous agressent. Disent le malheur qui a marqué un lieu. Deviennent le cadre d'une tragédie âpre parce qu'elle est proche de nous. Notre contemporaine.
Aux ruines des bâtiments collectifs (le Reichtag à Berlin en 1945), s'associe d'ordinaire une page d'Histoire, alors que la ruine domestique, découverte au hasard d'une promenade, dans le mystère feuillu de la forêt (était-ce une maison de garde chasse), souligne un drame de famille, devient le trace d'une tragédie qui touche l'homme dans son intimité.
photo du blog : antlis.blog.lemonde.fr