posté le 11-02-2010 à 14:11:54
La NRF et son destin.
De toutes les revues attachées à l'histoire littéraire du XX° siècle, la NRF est la plus prestigieuse. Née au début du siècle dans un petit groupe d'amis réunis autour d'André Gide (Henri Ghéon, Jacques Copeau, Jean Schlumberger, Maurice Drouin) elle donne d'emblée le ton : "Ici, la littérature a tous les droits. Rien ne lui est opposable. Ni la religion, ni la politique, ni les moeurs, ni la morale, ni la tradition, ni la mode. La parole des écrivains y est impunie parce qu'insoumise et irresponsable. Sans prévention d'école ni de parti..." (selon l'histoire de la revue Alban Cerisier).
La tonalité protestante cependant va déterminer une ligne de conduite guidée par Jean Schlumberger : purification des moeurs littéraires, bon usage de la langue, autonomie de l'art et renouvellement du roman, qu'illustrera la publication de l'ouvrage de Gide : "La porte étroite".
Les directeurs successifs de la revue : Jacques Copeau, Jacques Rivière, Jean Paulhan, Marcel Arland, Georges Lambrichs, Jacques Réda vont infléchir l'esprit de la revue mais sans jamais la faire chavirer dans les excès des combats idéologiques, ni les aspects les plus expérimentaux de la création littéraire. Ce qui la fait absente de certains combats historiques, mais maintient le niveau respectable d'une littérature qui assume sa maturité.
Sa survie laborieuse au choeur d'une évolution confuse de la littérature (et de sa fonction sociale), traduit bien l'énorme fossé qui s'est creusé entre le public et l'univers d'une création de qualité et détachée des tares sociales