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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 22-03-2010 à 14:49:01

Monsieur de Phocas c'est Robert de Montesquiou.

On a pu voir dans le personnage de Monsieur de Phocas l'incroyable Robert de Montesquiou (qui est également le Charlus de Proust et le des Esseintes de J.K.Huysmans) soit une figure phare "fin de siècle" dans ses outrances, sa préciosité affectée, sa recherche malsaine de plaisirs étranges et suicidaires. L'intrigue est assez tarabiscotée et sans doute moins intéressante que l'environnement même, le théâtre aux parfums de vices que Jean Lorrain déploie autour de l'action. Un certain de Fréneuse, collectionneur de pierres précieuses et par elles fasciné jusqu'au crime, écrivant son journal, révèle les aspects ombrageux et torrides à la fois, de sa vie fantasque et marquée par une luxure très étudiée, signe d'une distinction qui l'arrache à la banalité du quotidien. Amoureux (purement cérébral) d'une danseuse qu'il confond avec Salomé, et bientôt d'un louche personnage (Ethal) qu'il assassine faisant passer son crime  pour un suicide devant la statue d'Astarté. Ce qui est bien dans la manie de l'époque (on le voit dans la peinture "académique") qui fait grand usage de la mythologie, des mythes et des légendes antiques. Le tout dans un envolée de lyrisme morbide où souffle l'esprit du marquis de Sade. L'ambition du personnage qui fait fie de toutes les lois et des usages de la morale ordinaire :  se vautrer dans le stupre, des hallucinations barbares et superbes à la fois.
Lorrain s'y montre bien typique de cette "génération d'hommes dévoyés, poussés et poussant aux limites d'eux-mêmes, pourchassant le vice jusqu'à plus soif, une société bien faisandée (et plus gravement atteinte) que celle des roués de Philippe d'Orléans dans les entours du Palais Royal"  comme le dit l'excellent spécialiste de cette littérature de la décadence qu'est Hubert Juin. " On trouvera dans Monsieur de Phocas, quelques éclats diaprés, quelques éclaboussures fatiguées, quelques relents de ce périple aux barrières, dans les bouges sur les fortifs" dont Lorrain était un familier".
Un ouvrage qui vaut plus comme phénomène d'une époque que pour ses qualités littéraires, outrées et si fardées de préciosité qu'il a terriblement vieilli.