Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 13-04-2010 à 09:37:13
Le Grand Guignol logé chez Rochegrosse.
Le théâtre du Grand Guignol ouvre ses portes, rue Chaptal, en avril 1897. Il succède à un "théâtre-salon" créé l'année précédente par Maurice Magnier (dont le frère Pierre est le partenaire de Sarah Bernhardt). C'était une version nouvelle de ces petits théâtres privés que l'aristocratie animait dans un climat douillet et fort intime, avec souvent une connotation érotique. Un programme pourtant innocent : Un prologue d'Armand Silvestre, "Les uns et les autres" de Verlaine, un acte de Courteline, un autre de Catulle-Mendès. On était là dans la bonne tenue des activités culturelles teintées de mondanité.
Le lieu n'était rien moins que l'ancien atelier du peintre Georges Rochegrosse, une des figures phares de la peinture d'Histoire, fort amateur de décors flamboyants et fastueux, de nudités palmées aux frontières de la mort.
Le répertoire du Grand Guignol va poursuivre ce programme de violence savante et un rien perverse qui avait fait le succès de l'auteur de "La mort de Babylone", de "la Folie du roi Nabuchodonosor", et autre mise en scène largement déployée, alignant, sous couvert d'orientalisme, les allusions érotiques et la mort.
La critique, pourtant fort indulgente devant les délires des "peintres pompiers", dont Rochegrosse, ne pouvait s'empêcher de déplorer un trop complaisant étalage de sang. Le théâtre du Grand Guignol va reprendre à son compte le même principe et recevoir les mêmes reproches.
Ce que nous offre aujourd'hui, avec une surenchère constante, le cinéma d'horreur va s'inscrire comme une caractéristique des pièces choisies pour le répertoire du Grand Guignol au grand plaisir d'un public amateur de sensations fortes.
Comme dans les théâtres érotiques du XVIII° siècle, la salle (à peine plus d'une centaine de places d'orchestre), offrait aux amateurs des "baignoires" grillagées permettant de s'y livrer à toute activité, fut-elle désapprouvée par la morale, dans la suite logique de la forte" émotion que pouvait susciter le spectacle mariant sang et volupté avec un savant dosage".
Il est significatif qu'André Breton (venu en voisin) ait fort apprécié un spectacle (Les Détraqués) au point d'en faire un point fort de Nadja.