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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 10-05-2010 à 10:11:32

Georges Bataille sur le banc.

Il peut y avoir de l'indécence (qu'il ne craint pas)  à aborder George Bataille par l'anecdote. Il échappe à toute définition, renâcle à entrer dans les cadres rassurants de la culture qui se consomme. Son oeuvre (comme celle d'Antonin Artaud) contient de la dynamite mentale. On ne peut le lire légèrement, ou en le prenant de loin, comme une curiosité. Il vous entraîne dans ses tourments. Sont-ce des modèles à vivre, sinon à mieux savoir où la vie nous entraîne. Dans le néant où notre conscience s'est noyée.
L'anecdote à deux temps.
C'est rue Gozlin, derrière la statue de Diderot, dans le plus vieux Saint Germain des Près, entre librairies (si beaucoup ont disparues il y en avait beaucoup dans les années 60) et boîte à jazz. Une boutique toute de noir tendue (comme une boîte un   peu inquiétante). Jean Jacques Pauvert y était pour quelque chose, à moins qu'il eut alors des intérêts particuliers pour cette minuscule bouquinerie où l'on ne trouvait que des livres rares, de bibliophilie revue et corrigée par le surréalisme, des textes sulfureux, et Sade qui n'était pas encore dans le commerce libre (et même en livre de poche). On y présentait aussi les précieuses, soyeuses et perverses gravures de Han Bellmer (qui venait aussi souvent au Soleil dans la tête). J'admirais cet endroit qui avait un côté cabinet des merveilles et auréolé des interdits qui planaient encore autour d'une certaine littérature complaisante avec l'érotisme et le merveilleux.
C'était un soir de pluie (nous voilà chez Apollinaire), les passants filant pour la fuir et moi entrant, comme on pénètre dans une église un peu obscure, pour buter dans l'étroite ouverture sur un homme au visage lumineux et à la chevelure claire. C'était Georges Bataille en personne. Jaillissant d'une boîte faite pour lui (il y avait tous ses livres exposés). Choc et regret alors de n'avoir pas quêté le mot que je pouvais attendre de lui. Mais n'est-ce pas toujours une illusion que de croire bénéfique la rencontre d'un créateur que l'on admire ( j'en ferai l'expérience avec Samuel Becket).
Deuxième temps.
C'est à Orléans, Avec la délicieuse Marguerite Toulouse qui partage avec quelques fidèles une passion pour l'oeuvre de son mari (disparu) Roger Toulouse qui fut le "peintre" de l'Ecole de Rochefort, l'ami de René Guy Cadou, Jean Rousselot, Michel Manoll, Jean Bouhier, on fait le projet d'aller visiter la Bibliothèque municipale logée dans un magnifique bâtiment. Et là, évoquant le souvenir d'Hélène Cadou qui y travaillait dans les années 60, j'apprends que Georges Bataille en fut le bibliothécaire. Les dernières années de sa vie alors que la maladie déjà le dévorait. Photo. Il devait mourir en 1962.
Nous nous engageons dans triste jardin qui entoure le bâtiment, et sur un banc je vois un homme à l'air défait. Tête claire, cheveux blanc. Marguerite Toulouse suit mon regard et je la sens pâlir.
- Mon dieu murmure-t-elle, ce n'est pas lui !

 

Commentaires

Saintsonge le 10-05-2010 à 11:57:00
Là, c'est moi qui vous jalouse !... Amusant, je relisais hier "histoire de l'oeil" (10/18, si vous l'avais, consultez la double erreur d'imprimerie ; page 93, ils ont imprimé la même phrase, l'une sur l'autre "malheureuse amie qui s'effondra" et page 96 : "quattre" ; étonnant laxisme !)... Ici, vous vouliez préciser HANS, pour Balmer, aux belles "poupées" ?.. Bataille, qui écrit le mot "cul" si librement quand j'ose à peine le dire, pensant aux interdits parentaux !!! Lui avez-vous parlé, au fait ?..