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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 20-05-2010 à 09:57:10

Un peuple de statues pour Paris.

Promenade dans Paris (statues).
Les plus humbles ne sont pas les moins belles. Le piéton curieux en découvre parfois d'émouvantes jusque dans leur anonymat, telle celle du square Achille Léopold, une figure de femme drapée, plaquée sur un mur dont elle est l'insolite et assez étonnante parure, d'autant que l'environnement végétal lui confère une sorte de frissonnant baroquisme.
La ville s'orne de statues autant pour rêver que pour honorer. L'invitation au rêve y est généralement meilleure inspiratrice que le souci de rendre hommage aux grands hommes. D'autant que la prédilection des encenseurs va généralement aux militaires. Et certaines statues, pour être d'allure guerrière (c'est la moindre des choses que l'on peut attendre d'elles, vu le sujet choisi), n'en sont pas moins un peu ridicules. Le pauvre maréchal Ney, dû pourtant à Rude, en sait quelque chose qui invite à la charge, carrefour de l'Observatoire, une foule de voitures qui la contournent distraitement.
La statuaire a pourtant des vedettes, les délicieuses figures drapées de Jean Goujon, sur la "Fontaine des Innocents", la Marseillaise de Rude plaquée sur "l'Arc de Triomphe de l'Etoile", la Danse de Carpeaux au sommet des marches de l'Opéra.
Elle a aussi ses chefs d'oeuvre, comme le pathétique Balzac de Rodin, un peu égaré carrefour Vavin, et les nus de Maillol qui folâtrent sur les pelouses des Tuileries. Ils apportent dans une cet espace de rigueur un peu figé dans l'Histoire, une sensualité lourde, nonchalante, qui semble inciter à plus de décontraction les amateurs de jardins. Si bien qu'on voit dans les parages, aux heures chaudes de l'été, une multiplication d'odalisques allongées dans l'herbe qui y est ici britannique quoique un peu chichement et aimablement flirteuse
Dans ses représentations les plus anciennes, la statuaire parisienne est directement liée à la célébration des grands personnages du panthéon chrétien. Notre-Dame de Paris considérablement (mais pas si malheureusement qu'on le fit) restaurée par Viollet-le Duc, offre de multiples exemples d'un art qui, pour être rude, n'en est pas moins d'une extraordinaire fécondité, d'une généreuse faconde. Tympans, voussures, et bas-reliefs, sont le grand livre ouvert de la pieuse truculence des artistes anonymes du XII° siècle qui ornaient la maison de Dieu pour le plaisir. Mais Notre-Dame c'est aussi un vaisseau. Elle a, selon Andrè Suarès, "toute la majesté de la puissance, et elle a toutes les élégances. Elle est un monde, elle est cent villages", une forêt de statues. Celles qui sont également en ses sommets dangereusement exposées : les gargouilles que chantait Victor Hugo. Ces figures monstrueuses que l'eau des orages anime, et qui semblent toujours de leur profil accusé, caricatural, si follement inventées, s'étonner du spectacle qui se déroule à leurs pieds.
Le caractère altier des figures religieuses est sans doute une tradition. On mettra toujours en situation de domination les figures que l'on veut honorer. D'où les socles.
Extrait de "Lecture de Paris " aux éditions Pierre Horay

 

Commentaires

Saintsonge le 20-05-2010 à 15:41:18
J'ignore pourquoi votre article me fait penser au ... Lion de Belfort, brusquement !!! Je me suis placé dans la tenue d'Adam , face à un objectif , en posture de ce Balzac de Rodin !... Ah, les pensées : "populace/de démons noirs / et de loups noirs..."..Les cariatides me plaisent aussi - un film d'agnès Varda, je crois, c'est si loin dans le souvenir de l'avoir vu !...