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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 23-05-2010 à 14:24:21

Marat, homme tronc.

Tentative pour un itinéraire parisien.

Quelques rues sont fiévreuses du côté des Cordeliers qui sont, aujourd'hui, l'antre des sciences du corps. La médecine en lieu et place des prières. Et des cris de la colère qui se cale, se brise dans le verbe porté haut, de bouche en bouche, de corps en corps, comme une immense vague déferlante sur les chapiteaux ornés et le silence sépulcrale des voûtes sacrées.
Et le sang a coulé, en rigoles, dans les allées de ce pouvoir édifié dans les cabinets secrets d'un trois pièces discret, en immeuble moyenâgeux, chez Marat. Dans un voisinage étroit de numéros, d'une rue qui fait son chemin en cahotant, le couple Simon prépare sa revanche sur l'or du pouvoir, par la cendre de la haine. En épelant des mots orduriers aux fragiles oreilles d'un enfant énervé de privations, apeuré et seul, avec Simon, au Temple, entre bidet et lit-cage, comme est en cage l'oiseau que l'on va, d'un fil étroit, étrangler pour se venger de la beauté de son chant.
Marat donc, à sa baignoire attaché, comme d'autres le sont à leur tâche. A sa tâche usé, dans le clapotis d'une eau suspecte de baigner ses plaies purulentes, à hauteur de ventre, quand la tête émerge, jaune et brûlante de toutes les fièvres, alors que la plume court sur le papier comme une guillotine qui s'affole du nombre de ses victimes.
Fièvre dans la tête folle et marquée de lèpre. Le turban l'atteste. C'est une tête blessée. Magnifiquement donnée par Antonin Artaud pour ce qu'elle n'est pas : une tête de triomphe, avec ce quelque chose de nonchalant, de voluptueux qui rappelle la tête d'un Saint Sébastien porté par les femmes comme un Christ descendu de sa croix.
Marat n'a de femme en son entourage que pour le défendre de la rue, de celle qui en monte, un couteau de boucher serré dans son corsage blanc et de dentelle normande. Le couteau est venu à bout du boucher.
Ici l'éclat d'une lame portée au nom de la pureté, et là les puanteurs d'une peau grêlée, les puanteurs d'une eau où  le sang bouillonnant va se coaguler.
Marat, homme tronc. La rue bat le pavée, tandis qu'il agonise. Les mots qui tombent de sa plume abandonnée sont des gouttes de sang.


 

Commentaires

sorel le 23-05-2010 à 19:36:27
pas mal !
saintsonge le 23-05-2010 à 17:04:46
En définitive, on peut dire que Marat est ainsi le premier des Journalistes dits de télévision, qu'on nomme : homme - tronc , non ?..

Ainsi , d'en battre le pavé !..