VEF Blog

Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 29-05-2010 à 11:10:47

Apollinaire en majesté.

D'avoir un nom d'emprunt, fabriqué, choisi (dit-on à la vue d'une bouteille d'eau minérale Apolinaris) fait de Wilhelm de Krostowitzky le fantôme d'un autre qu'il n'a pas voulu être, et bâtard de surcroît. Que de pères imaginaires ne lui prête-t-on pas, et même quelque sommité du Vatican. De quoi le faire entrer dans la légende. Ce qui fut. Et le restera en dépit des nombreuses études qui tentent de percer les mystères qui l'entourent et qu'il ne dédaigne pas de semer autour de lui.
Il y a du patriarche en sa posture, et même sa silhouette si cordialement (mais avec un brin de moquerie) dessinée par Picasso. Il sera, tout à la fois : le poète assassiné, l'enchanteur pourrissant, le guetteur mélancolique, et le diable amoureux.
Après sa blessure, au Chemin de Dames, il aime parader à Saint Germain des Près (son village) en tenue de militaire, et le bandeau sur la tête signant le blessé de guerre qu'il est fier d'être.
André Breton le  classe parmi les "passants considérables", il est un nom de référence, de ralliement. C'est autour de lui que toute une génération (celle d'Aragon, de Breton, de Soupault, de Reverdy, de Max Jacob) s'est assemblée  dans une sorte de ferveur à son endroit. Il fut, juste avant la terrible explosion de la première guerre mondiale, le berger d'une troupe, animée, brillante, qui incarnait la modernité. Elle allait de Cendrars au douanier Rousseau, de Fernand Léger à Léon-Paul Fargue et aux Delaunay. Dans les éloges funèbres qui lui furent rendues ne dit-on pas qu'aucune "hardiesse ne lui fut inconnue et il a marqué d'une empreinte profonde et durable nos chercheurs d'art nouveau". Le titre est donné, et le nom d'emprunt a trouvé son rôle. Incarner la modernité fébrile qui précipite le XIX°siècle dans le passé et annonce, en fanfare, ce XX° siècle qui va naître dans le sang.
Première victime, et exhibée comme un trophée de ce siècle balbutiant.




 

Commentaires

saintsonge le 29-05-2010 à 21:31:59
Au fait, tout en "majesté" qu'il fut, c'est bien lui qui fit , avec d'autres, connaître Freud en France, dit-on, non ?
saintsonge le 29-05-2010 à 15:09:23
A prendre le nom de sa mère qui l'ennoblit, un pseudo le rendit quasi invisible, si ce n'est l'amour pour LOU , qui le fit partir à la guerre sans savoir que l'aimée, de son côté, s'enticha déjà d'un autre, plus gradé !.. Le départ voulu ("le front de l'armée"), la mort qui rôde ("si je mourais../..mon souvenir s'éteindrait.. / L'espace couvrirait de mon sang.../Le fatal giclement de mon sang.../Souvenir qu'on oublie (la nuit qui descend !! ("la mort est là, qui couvre tout...")

OUI, Apollinaire (que les universitaires de DEUG LETTRES écrivirent pour la plupart avec deux "p" trois "l", ce qui faisait rager le professeur - et moi !), apollinaire, à mes yeux :

c'est la mort dans l'amour,

c'est le sang dans la chair,

ce lever de l'aurore que LOU pourrait apercevoir au lendemain de la nuit qui descend, pressentie mortelle, ce serait encore Lui, cet "amour inoui", poète évanoui parmi les Hommes, ici, s'il meurt encore à le citer, ou là (là-bas, lorsqu'il mourrait, souvenir qu'on oublie, "long destin de sang"), c'est pour moi, toujours : une trace sur l'horizon rougeoyant !

Merci de votre article.