Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 02-06-2010 à 14:28:39
Saint Louis rendant la justice.
La notion de sainteté s'accorde assez bien à celle du pouvoir. Dans son principe même, celui qui détient ce dernier se devait d'être perçu comme un individu échappant aux faiblesses de l'homme ordinaire. Et pourtant elle ne s'affirme pas comme le moteur principal de son efficacité. Elle l'auréole cependant d'un prestige particulier. Et l'on verra, par exemple, Louis IX entrer dans la légende par le biais de son attitude qui prépare à l'idée que l'on se fait de la sainteté. On fera (dans l'imagerie qu'il inspire) étalage de gestes et d'une attitude qui, n'étaient, en fait que l'application d'une éducation toute entière tendue vers la charité, le respect d'autrui. Et la prééminence de Dieu dans la vie quotidienne. La sainteté de Louis IX n'est pas contemplative et jamais pétrifiée dans une égoïste abstinence (il aura une vie normale de mari et de père), ignorance du monde (sa fonction le lui interdisait) toute action qui dégage la responsabilité de l'homme au nom d'une quête sanctifiante (l'état du moine voué à la prière). Mieux encore, elle s'exprime dans l'engagement. Celui de la charité au quotidien, celui de la guerre en période de crise, et par nécessité. Ce n'est pas l'un des moindres paradoxes de l'Eglise que d'admettre, sinon de promouvoir, l'action des armes au nom de la vérité qu'elle défend. D'où les Croisades.
Elle avait, jusqu'alors, accrédité cette violence des armes sans qu'aucune figure centrale en soit porteuse, dotée d'un caractère sacré, quoique sanguinaire, et qui va justifier les razzias des carolingiens, car c'était une affaire collective, une responsabilité partagée par tous et par tous vécue comme la conséquence d'une adversité devant laquelle il convenait de trouver une parade.
Le goupillon justifiait l'épée. Alliance périlleuse mais rendue nécessaire par les appétits multiples qu'éveillait le savoir-faire de l'Eglise dans l'organisation des territoires qu'elle dominait, soutenue par l'épée des princes.
Bien plus que les féodaux de l'époque antérieure, surtout affairés à leur querelles intestines de prérogative et leur concupiscence primaire, imprévoyants parce que motivés uniquement par des actions immédiates, une politique ponctuelle, sans programme cohérent, l'Eglise saura organiser les territoires à l'appropriation desquels elle travaille, avançant ses pions, et les souverains qu'elle accrédite.
Les fastes qu'elle exige, les structures rigoureuses de son administration sont autant de facteurs propres à dynamiser le commerce, ciment des économies qu'elle recouvre de ses bénédictions.
L'Eglise est provocatrice de richesses ; elle va susciter des envies, éveiller des appétits. Jamais la spiritualité ne se sera aussi intimement mêlée à la matérialité qui est censée l'incarner. Le luxe inouï dont la société de ce temps entoure la célébration du culte religieux s'accompagne d'une grande sobriété de ceux qui se placent sous sa protection et affichent, ainsi, par ne vif effet de contraste, une allégeance qui fait leur puissance.
Homme de guerre au nom de Dieu, Saint Louis est, avec Jeanne d'Arc, une grande figure d'une France qui se cherche une image de perfection, alors même qu'elle est territorialement inachevée, sinon menacée (et, dans le cas de Jeanne d'Arc, en lambeaux).
Territorialité menacée de l'intérieur, par des féodaux félons, sous Louis IX, de l'extérieur par la anglais sous Jeanne d'Arc. Toute lutte, fut-elle sanglante, trouvera, du même coup, sa justification. Son excuse. Si l'on demande à Jeanne d'Arc la virginité, on demandera à Saint Louis, le sens de l'équité.
Ce sera le " Saint Louis rendant la justice", dont l'imagerie s'est emparé et a largement réinventé.
Commentaires
Curieusement, la parole de Jésus me revint : "je ne suis pas venu vous apporter la paix, mais l'épée..."
Epée défensive , ou épée pour combattre ses démons , ses ennemis ?
Cette reproduction me fait sourire, elle me ramène à l'illustration de mes cahiers d'écolier, un lointain bail !