Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 16-06-2010 à 14:56:58
Colette Thomas, fille de coeur d'Antonin Artaud.
Colette Gilbert (née en 1918) était devenue Colette Thomas en épousant le romancier Henri Thomas et par lui elle découvre (lors d'une visite à l'asile de Rodez) la personnalité à la fois captivante et redoutable (pour un esprit fragile) d'Antonin Artaud. Comédienne jusqu'alors restée dans l'ombre elle sera, aux dires d'Artaud : "la plus grande actrice que le théâtre ait vue", sans doute porté aux excès du langage (surtout à la fin de sa vie) il ajoutera "c'est le plus grand être de théâtre que la terre ait eu". Ce qui ne la portera pas au premier rang et, de fait, sa carrière théâtrale sera brève autant qu'obscure.
Pourtant, de l'expérience Artaud qui fut volcanique, elle tirera un texte devenu mythique : "Le Testament de la fille morte" que Gallimard publiera en 1954 sous le pseudonyme de René et Colette Thomas sombrera dans une sorte de nuit mentale jusqu'à a mort en 2006.
Avant d'aborder une carrière de comédienne elle avait été étudiante en philosophie et rencontré alors Gabriel Marcel, Jean Paul Sartre, Jean Wahl et Maurice Merleau Ponty chez lesquels elle a laissé le souvenir d'un être exquis dont la fragilité était perceptible et émouvante. Elle fut, par la suite, dans le sillage de Charles Dullin et Louis Jouvet. Elle participera aux activités de Théâtre et Culturelle et aurait joué dans la pièce d'Audiberti "Le Mal court".
Les rapports d'Artaud avec les femmes ont toujours été complexes. Jeune acteur, d'une beauté rayonnante, il vivra des aventures sans lendemains du temps de la courte vie du Théâtre de la Cruauté, mais Colette Thomas surgira alors qu'il est aux bords de sa mort, vieillard éructant, porté par une gloire sulfureuse et lui-même enfermé dans une virulente haine du sexe et comme frappé d'un esprit d'inquisiteur. Colette ne pouvait qu'être une de "ses filles de coeur". Elle héritait de cette brûlure intérieure qui devait la conduire à la folie. Eprise d'amour autant que de chasteté.
Commentaires
oui, cela m'intriguera tout au long de la vie, ces gens qui ont le talent et la sensibilité, et qui restent obscurs. De même, ces gens que l'on place en pleine lumière et dont les flatteries dont ils sont l'objet égarent et perdent
Je savoure mon anonymat, et je suis heureuse que l'on ne ne puisse lire des pléiades de mensongerise au sujet de ma vie privée, dans les journaux.
Merci d'avoir pour un instant tiré Colette Thomas de l'obscur ordinaire.
"sombrée dans une sorte de nuit mentale jusqu'à sa mort". Voilà qui me ressemble, voilà que je comprends.
lire : l'un de ses
Pour Artaud, le fait théâtral doit être un "exorcisme"; "un exutoire à nos mauvais instincts", en avait-il face à C. Thomas, car je me demande s'il ne l'a pas fait hurler ses tirades comme il traita ainsi la plupart de ces comédien(ne)s ? Il guérissait la peur par la peur elle-même, et, de votre crainte, hier, de vous sentir en solitude sur ce blog, j'ajoute l'avis de Pessoa sur la Littérature en France, qu'il publia sur Barcelone, livre dans lequel il la jugea , déjà, faite par des maquereaux et des prostituées, voyez, nous avons été avertis très tôt du désintérêt de cet amour que nous portons à cette Dame "de coeur" aussi, La Littérature !
Qui comprit d'ailleurs aussi un Héliogabale de 1934 ou les Cenci de 35, gueulés, non ? "Toute écriture est de la cochonnerie" dit-il tout de même dans l'un de ces célèbres (é)cri(t)s !!!