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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 17-06-2010 à 10:47:53

Artaud face à Van Gogh.

Il se serait assis dans le fauteuil vu par Van Gogh (était-ce le sien) ou un tout pareil, car on peut imaginer l'entresol de Pierre Loeb (à l'angle de la rue des Beaux Arts et de la rue de Seine) meublé ainsi "à la rustique". On est au dessus de la galerie qui, sous l'enseigne toute simple de Pierre, a joué un si grand rôle dans l'histoire de la peinture de l'entre deux guerres. N'a-t-il pas exposé Miro (1925), Picasso (1927), Giacometti (1930), Balthus (1934), Lam (1939), ou encore Hélion, Brauner, Magnelli, Gonzales, Henri Michaux, Riopelle, Zao Wou Ki. J'en avais, pensionnaire, collégien, suivi l'aventure par la presse (à travers Arts et Loisirs et Les Nouvelles littéraires dont je fus, bien après, un fidèle collaborateur) et lors de mes virées parisiennes souvent visité les expositions. Jeune critique, assez ignorant de l'actualité artistique qu'on apprenait "sur le tas", il me donna les bons conseils, m'aida à me "former". J'en conserve une sorte de tendresse au delà du gouffre du temps qui a si cruellement défiguré le sens de la peinture pour l'abandonner à ses derniers excès. S'il y a crise, et il l'annonçait, c'est bien parce que les poètes déjà en parlaient (relisons Baudelaire). Bref, chez Pierre Loeb, Antonin Artaud, qui venait de sortir, brisé, de l'asile de Rodez, grâce à quelques amis comme Marcel Bisiaux, Henri Thomas, et le parrainage de Jean Paulhan, était chez lui. Au dessus de la galerie dans cette pièce qu'ornaient des toiles somptueuses de Vieira de Silva, Zao Wou Ki, Georges Mathieu, Artaud pouvait se réchauffer au vieux poêle semblable à ceux qu'on avait alors dans nos salles de classe. Le mobilier, lui, était de bric et de broc, chaises et table de jardin, profond divan avec ses couvertures de vive couleur qui évoquaient de lointains pays, Artaud, revenu de l'exposition Van Gogh ( qui fut, dans cet après guerre, un événement) va, avec cette frénésie qui domine sa pensée et son écriture, sur les cahiers d'écolier qui sont de son ordinaire, tracer les lignes fébriles (l'écriture le prouve) qui suivent une pensée qui ne l'est pas moins. Et Van Gogh trouve, là, sa véritable dimension, son rôle moteur dans la pensée de l'art qui accompagne celle du destin des hommes qui y disent et y lisent l'essentiel de ce qu'ils sont, chacun luttant pour survivre au delà de ses rêves, de ses angoisses, sortir du quotidien qui l'étreint. Le problème de la folie qui n'est pas étranger à Artaud lui inspire des pages bouleversantes. C'est "Van Gogh ou le suicidé de la société".

 

Commentaires

Saint-songe le 17-06-2010 à 11:19:07
C'est vrai que leurs "cris" se répondent, c'est aussi vrai que leur vie se font écho, miroir d'un mal-être alliée à une indifférence de "la société" qui , à mon avis, ne semble guère avoir changé d'avis face aux artistes, comme précédemment évoqué pour vous (et pour autrui du même acabit)...

C'est l'heure de la résistance, c'est la veille, gardez confiance !...On ne voulut pas de Camille Claudel, non plus, et la pauvre adèle H. faisait honte à sa famille.... Halifax Halifax Gardez-la en mémoire ! About Van Gogh, Arles in Fax, too !