Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 21-06-2010 à 13:48:42
Conversation dans la bibliothèque.
Conversation dans la bibliothèque.
Fallait-il converser ? On se retrouvait, disait-on, pour échanger des idées, faire un petit tour du monde comme on aimait le faire, et il arrivait que dans des lieux publics on soit peu à peu au centre d'une grande agitation des cervelles quand, par nature, nous sommes plutôt des êtres amoureux du secret.
Ma fréquentation des bouquineries du Quartier Latin (elles deviennent rares) suppose une certaine solitude de la pensée, une disponibilité. Et les échanges se font, furtivement, avec le bouquiniste s'il en a le loisir. Beaucoup ont le nez plongé dans un polar ou, crayon à la main, dans de mystérieux comptes.
Dans un "chez soi" douillet la conversation se déroule par saccades, un livre à la main, pour le commenter ou parce qu'il y a des livres qui ont le pouvoir d'allumer au fond de notre tête une idée qui va faire son chemin. Ne fusse-ce que dans le plus modeste dialogue.
Je me souviens du peintre Benrath (celui-là aussi on va l'oublier !) qui venait au Soleil dans la tête (le matin à l'ouverture quand l'eau des caniveaux chantait le long de la rue de Vaugirard jusqu'aux frondaisons du jardin du Luxembourg) et feuilletait fébrilement les livres de poèmes pour y trouver, disait-il, des titres pour ses tableaux.
S'en tenir au titre est-ce trahir le livre. Je pensais alors qu'il aurait été curieux de construire un texte à partir du titre de n'importe quel livre et de comparer ensuite. Ce serait une histoire en cascade me disais-je.
On est, là, dans le fouillis sympathique des livres entassé en fantaisie, rangés ils seraient déjà morts, d'être placés un peu au hasard de leur arrivée leur donnait quelque chose d'incongru et provoquait des voisinages surprenants.
Sur le conseil de ma fille Camille j'avais, un moment, placé les livres sur les rayons de ma bibliothèque au fur et à mesure de leur acquisition dans les brocantes que je fréquentais avec une fureur de chasseur. Imaginez le catalogue que cela pouvait créer.
Et, dans tout ça, la conversation. Ce sont les livres qui la menèrent.
Commentaires
ah, et le buste, qui est en "buste" ?
et : qui jetait
J'ai la dactylographie à dix doigts trop vive - lire, bien sûr : un livre dit mort...
J'apprécie, l'endroit me ravit, il répond déjà à ma curiosité de venir vous y voir, pour "converser", justement, alors qu'il me faut continuer, seul, mes "consolations" (à la Sénèque) de n'y être physiquement, mais bon, j'apprécie le geste comme la teneur du bon billet, avec ce "ne fût-ce" qui eût pu séduire l'avantage de l'oeil (à la bataille) du lecteur que je suis (avec la "fureur" idoine du "chasseur" - chez mon bouquiniste trébouliste avec qui je cause, oui, il prend son temps, quittant ses cahiers de compte pour venir jusqu'à moi, qu'il voit arriver de loin, les samedis...) Heureuse fille que vous avez là, aussi... Ah, si je puis me permettre, lorsque je fus apprenti-libraire au Furet du Nord de Lille, j'ai vite appris qu'un libre dit "mort" était, en fait, ces livres à plat, qui s'empilent ou qui se côtoient sur une table, comme ceux de votre premier plan, eh oui, souvenez-vous du Père Lachaise et autres boulevards des allongés, ils sont pareils, qu'on voit de haut, sans pouvoir "les" toucher, ces "vivants" éternels qui nous voient passer ; j'évite ainsi chez mon petit antre d'en disposer de cette façon... Ce n'est qu'un modeste avis. Benrath avait l'astuce des surréalistes, façon cadavre exquis, ou de Magritte, qui faisait choisir par ses amis des mots pris au hasard à la suite dans les dictionnaires, afin d'en titrer ses toiles, ou de ce poète encore qui jeter ses poèmes par-dessus sa tête, que ses amis surréalistes ramassaient, les prenant au hasard, mais vous savez sûrement..."Fallait-il" vous le dire ? Et, est-ce votre ordi, là, qui se voit tout fier, en lampe d'aladin qui ne demande qu'une caresse pour s'allumer ?..Non, vraiment, j'aime bien, ce billet... Bonne soirée Lunaire (lundi)