Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 26-06-2010 à 11:03:12
Pour saluer Jacques Callot.
Pour saluer Jacques Callot.
Il est, des promenades les plus innocentes, ce qu'il est du fil d'une vie bousculée (déchirée) par un incident, une rencontre. L'inattendu.
Le voiture glisse en toute innocence sur l'asphalte. Marqué, ici ou là, par l'empreinte boursouflée des défections bovines. C'est le charme des itinéraires campagnards de s'orner de ces fleurs nocturnes que picorent les oiseaux en flamboyantes danses qui donnent priorité aux plus hardis. Et pas nécessairement les plus épais de chair et de poils. L'agilité est une forme de pouvoir qui gagne sur la lenteur, sur l'immobilité forcée des plus massifs.
On s'endort presque sous le ronronnement technologiquement programmé, cet indice de sécurité, une raison de plus de choisir ce modèle qui assure tout confort et la modulation tranquille d'un moteur puissant sans ostentation.
Le paysage se déroule comme un décor que l'on déploierait avec la sveltesse des commis aux préparatifs d'une cérémonie, et que le tapis rouge en est l'objectif le plus voyant.
Nulle surprise quand on l'aura franchi maintes fois pour de futiles raisons pratiques. Et puis voici qu'au détour d'un caprice de la route, une inflexion douce autant que paisible qui confère au paysage ce charme qui n'a d'autre prix que de décliner le catalogue des saisons, voici qu'apparaît, en surprenante agression quand on attend que l'harmonie promise par la familiarité des formes végétales, voici que s'inscrit dans le ciel, encore transparent car il annonce une tempérance du climat, la longue fusée inquiétante d'un piquet fiché dans le sol solitaire au milieu des coquelicots, ces tâches de l'innocence dans l'effort du blé à naître, et, pendue à un fil, la forme noire (un noir d'encre) d'un grand oiseau aussi immobile qu'un cadavre pendu à son gibet.
On aura, au passage, par une coquetterie de la culture qui nous chatouille, pensé à Jacques Callot qui d'un stylet aussi vif que cruel, énuméré les massacres d'une guerre intestine qui saigne le petit peuple. Mais la terre a besoin de sang frais pour forcir ses cultures et donner sa ration de blé à ceux qui la cultivent
Repassant à quelques temps de là, on découvre que l'oiseau que l'on croyait mort tournoyait toutes ailes déployées autour de l'infernal piquet., les pattes soigneusement attachées au fil qui rendait vain tout effort.
Et cette soif d'espace et de liberté se trouvait réduite à un ridicule encerclement de la prison immatérielle.
Je pensais alors aux jeunes enfants qui s'étourdissent du manège où il avaient le choix entre une voiture de sport ou un cheval de cirque.
Et si le manège ne s'arrêtait pas ?