posté le 05-07-2010 à 17:01:16
Les sources de Maldoror.
Les sources de Maldoror.
Esquisse d'une étude : "La solitude de Lautréamont" à venir.
Sorti tout droit de l'imagination enflammée de Lautréamont, Maldoror a, dans les profondeurs de sa mémoire, une consistance physique étroitement liée à son adolescence à Montevideo.
S'y profilent, avec une force démoniaque, les figures de militaires fortement impliqués dans des opérations disciplinaires et dans la pratique de la dictature, comme Juan Facundo Quiroya, Gaspard Rodiguez Franciaz ou Juan Manuel de Rosas.
Nommé gouverneur de la province de Buenos Aires, ce dernier prend les français (alors nombreux) en grippe et les assimile aux partisans du parti libéral qu'il combattait. Déjà, à l'époque, des poètes, dont Marmol, s'élèvent contre le tyran.
Son ton légèrement emphatique n'annonce-t-il pas le rythme hautain et prophétique de Maldoror.
" Quel est le démon voilé qui t'accompagne afin que je le suive, armé d'un poignard ? quelle est celle des étoiles qui l'éclaire, afin que je fasse descendre sur elle la malédiction divine ? A quelle heure se glisse la frayeur dans ta poitrine de fer, afin que j'évoque les visions qui t'épouvantent ? A quelle heure t'endors-tu tranquillement dans ta couche, afin que j'appelle les morts pour te secouer le crâne Prêtez-moi, tempêtes, votre affreux rugissement, alors que le tonnerre éclate et que hurle l'Aquilon. Cataractes, torrents, prêtez-moi votre voix, afin que je l'écrase par une terrible, éternelle malédiction".
Rosas se distingue par sa cruauté.
Le jeune Isidore "revivra chaque épisode du siège. Il entendra le long cri des sentinelles que l'on égorge dans la nuit ; il assistera à la relève au lasso des blessés hurlants qui ont le malheur de tomber entre les lignes"
Méditera-t-il sur de sombres témoignages des horreurs de la guerre, dont ces rites barbares à l'endroit des vaincus : "Déshabillés, obligés d'avancer nus entre des haies de soldats qui, évitant les blessures mortelles, les criblent de coups de lance, de baïonnettes, de couteaux. Châtrés, éventrés, décapités enfin, avec leur tête fichée sur un pique, puis jetés aux avant-postes montévidéens".
Des récits qui font écho à ceux que distillaient à Sarniget où vivait sa famille dans la banlieue de Tarbes, les vieillards qui avaient connus un enfant du pays, le sinistre Barrère, "l'Anacréon" de la guillotine, qui avait signé vingt mille arrêts de mort au sein du Comité du Salut Public, où il officiait aux côtés de Robespierre. Il fallait bien que l'enfance de Lautréamont soit baignée dans le souvenir du sang et de la souffrance, lui-même naîtra dans une bizarrerie conjugale qui sera une autre source de ses cauchemars.
Commentaires
Tarbes, c'est aussi vrai pour le Maréchal Foch, je crois ;... toujours intéressantes, les "sources" ; pour l'élaboration (en chantier) d'un nouveau livre, si j'ai bien saisi ?.. Si oui, voyez qu'il fallait "résister" !... Bonne soirée inspirante...
Très intéressant, merci. Je pense que toute chose est bonne à apprendre chaque jour. Cordialement