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lettres de la campagne

posté le 24-03-2009 à 12:38:59

Reconnaissance de Paul Emile Bécat.

Il est à la bonne place, d'observateur, de complice. Beau-frère de la légendaire Adrienne Monnier et ami de sa voisine, rue de l'Odéon, de la non moins séduisante Sylvia Beach (éditrice en France de l'Ulysse de James Joyce) enfin familier d'André Gide, Paul Emile Bécat  va être un illustrateur fécond et inspiré. Plutôt porté vers ces marges de la littérature que les libraires classent pudiquement sous la rubrique Curiosa. On y trouve tous les classiques de la littérature érotique de l'Arétin (le divin !) à Apollinaire,  en passant par Ronsard, Verlaine, Pierre Louys et autres bijoux de la littérature française. Un dessin minutieux, souvent narquois, vif en ses postures et d'une élégance achevée.
Amoureux des mots et des situations expressives, il fait le régal des bibliophiles.


 


 
 
posté le 23-03-2009 à 15:24:22

Lagrange et l'Italie.

Il a inventé une peinture d'Histoire qui ne s'arrête pas à l'anecdote.


 


 
 
posté le 23-03-2009 à 15:17:20

Lagrange et l'Italie.

C'est une manière d'orner les bannières d'une entrée en fanfare dans Milan.

 


 
 
posté le 23-03-2009 à 14:52:03

Henri Bauchau revient de loin.

Ce pourrait être l'histoire d'un livre. Et à travers lui (grâce à lui) celle d'une vie et d'une oeuvre.
Dans la masse de "plaquettes" de poèmes qui proviennent du Soleil dans la tête, et que je conserve sans y porter autrement d'attention (il y en a trop) je trouve celle d'Henry Bauchau. Elle retient mon attention uniquement parce qu'elle est publiée chez Gallimard dans la très prestigieuse collection "Métamorphoses" (numéro LIV) où figurent Antonin Artaud, Gaston Chaissac, Marcel Bisiaux, Pierre Bettencourt, Jean Dubuffet, André Dhôtel, Alexandre Vialatte, Léon-Paul Fargue  Philippe Jacottet, Jean Grenier, Roger Gilbert Lecomte, Michel Leiris, Henry-J.L.Levet, Henry Michaux, André Pieyre de Mandiargues, Francis Ponge, Georges Ribemont -Dessaignes, Armand Robin, Henri Thomas, soit une poignée d'écrivains qui  comptent à mes yeux parmi les plus attachants, les plus prestigieux, les plus essentiels. La collection avait été voulue par Jean Paulhan qui y mettait à l'essai des écrivains d'une audience relative. Ils sont aujourd'hui parmi les plus respectés, et certains en passe de devenir des "classiques". Henry Bauchau est passé par là avec un titre propre à séduire le moins curieux : "Géologie". J'y vois, tout de suite, une plongée" dans une conscience vive et imaginative de la matière (pensons à Bachelard). Ce n'est pas tout à fait le cas et la nature des poèmes a de quoi déconcerter. Une vision très intériorisée, parfois d'accès difficile :

"Naissant des étendues, montant des multitudes
Où Chronos à voix basse dispute avec les éléments
La vie monte, la sève gonfle mes canaux
Et moi, le Père
Je la possède et je l'envoie avec mon coeur puissant
à travers l'enchevêtrement de mes branches
Par mille et mille moyens subtils
Par les étoiles, les pléiades et les voies lactées de
mes ramures
Depuis l'accouplement monstrueux des racines jus-
qu'au ciel immuable.
Moi, le Père."

Henri Bauchau était là à l'aube d'une longue et riche carrière d'écrivain doublée de celle de psychiatre. C'est aujourd'hui un vieillard qui affronte la vie avec la même énergie et une activité littéraire sans faille.

 


 
 
posté le 20-03-2009 à 12:09:01

L'énigme du dessin de Michel Leiris.

Le "non dessin" de Leiris.
D'ordinaire, et même chez le poète qui le pratique, le dessin est une manière de se chercher au bout de la plume, de donner du lustre à sa pensée. Chez Leiris ( et peut-on parler de dessin ?) c'est la notation précise ( scientifique) d'un projet. Une mise au carré de ce que les mots tentent de dire, d'approcher. Sans aucun recherche esthétique ni complaisance vis à vis du regard qui doit l'aborder comme une information technique.
Plus que d'art il s'agit d'une quête conduite sur soi-même, d'une plongée en son inconscient. Il en ressort des bribes de vérités. A moins que ce ne soient de nouveaux mystères !
S'il dessine en forme d'énigme Leiris donne la mesure de l'angoisse qui l'étreint (il ne cesse de le murmurer) devant une reconnaissance de soi-même.

 


 
 
posté le 19-03-2009 à 14:41:59

Jaroslav Hasek un Kafka goguenard.

Jaroslav Hasek un Kafka goguenard.

On ne peut piétonner dans Prague sans tomber sur des références multiples au Brave Soldat Chveik dont l'épopée a inspiré des vitraux, des fresques, dans ces nombreux bistros si typiques de la vieille ville, et dont Jaroslav Hasek, l'auteur de cet un unique ouvrage, fut un client assidu, l'écriture et la boisson faisant chez lui un bon ménage en complicité et verdeur joviale.
Le monde de Jaroslav Hasek est aussi absurde que celui de Kafka, sans doute mieux incarné en sa réalité praguoise mais, surtout porté à un degré d'humour plus  affirmé. On est là, avec "Le brave soldat Chveik", dans la grande tradition du roman- épopée venu de Rabelais et qui est passé par Laurence Sterne et Pierre Albert Birot. Une verve soutenue par une phrase simple, coulante, avec ce charme étrange d'exotisme qui donne la distance. Le récit tient aussi de la farce comme l'aimait Alfred Jarry, un autre frère d'esprit de Hasek qui a inventé là un personnage type, une sorte de figure emblématique de la victime broyée par la machine infernale de la réalité et des structures sociales.

 


 
 
posté le 19-03-2009 à 11:42:05

Cocteau sous les sunlights.

Cocteau et l'ecriture sous les sunlights.
Il y a chez Cocteau le goût de la pose, du spectacle, de l'emphase gestuelle enfermant le poète dans un personnage parfois odieux à force d'exagération comme pour se faire reconnaître et régler des comptes avec d'étranges complexes.
La grâce lui était naturelle et le don de tous les arts donné à foison. Au point d'irriter, de susciter des jalousies et de ne pas lui éviter des facilités.
Son écriture est le mise en spectacle de sa pensée (de ses émotions), elle contient tout le devenir d'une oeuvre en fanfare. Elle est déjà "le" dessin. Si proche du dessin que de lui elle tient sa prise de possession de l'espace de la page, comme un personnage tient la scène. D'où les rapports étroits avec le théâtre.

 


 
 
posté le 18-03-2009 à 11:58:17

Pessoa : la poésie se fait au café.

Reportée dans un coin, à peine visible parmi les tables en formica d'un assez vilain self service, la table où Verlaine venait sirotait son absinthe (la Source boulevard Saint Michel à Paris) est pourtant l'ultime témoignage des longues attentes du poète attablé devant sa solitude.
Plus respectueux de leurs ancêtres "culturels", les responsables du café où Fernando Pessoa venait rêver, offrent une sorte de table du souvenir évoquant le poète dans ses libations quotidiennes, tant le café, pour lui, autre solitaire, était une étape indispensable à sa démarche poétique dans le Lisbonne du début du XX° siècle où il était le piéton inspiré.
Pessoa dont le souvenir est entretenu en maints endroits de la ville, le coeur de celle-ci battant au rythme de celui qui en fit la matière vive de son oeuvre, multipliant les personnages-auteurs d'une sorte de vaste entreprise littéraire qui jouait des genres, des styles et des personnalités reconstituées avec la minutie d'un huissier, la verdeur d'un jouisseur.
Le café n'est il pas souvent le  "bureau" de l'écrivain (Jean Paul Sartre au Flore à Paris), l'espace de celui qui reste ouvert aux autres, au hasard, mais qui construit aussi son territoire aux limites d'une simple table où traînent les tasses et les verres qui accompagnent l'exercice de la création. Lieu magique. On s'y retrouvera.


 


 
 
posté le 17-03-2009 à 15:49:59

Les mauvaises fréquentations de Gaston Ferdière.

Un titre qui dénonce l'évolution de celui qui, psychiatre débutant, fréquente les surréalistes (dans la marge) comme un amateur cultivé. Il termine sa vie fort bourgeoisement, dans la région de Fontainebleau et la compagnie du peintre belge Jane Graverol qui avait exposé au Soleil dans la tête (grâce à Marcel Marien). Elle était une sorte d'écho mondain de Magritte. L'humour coiffé par les bonnes manières.

 


 
 
posté le 17-03-2009 à 15:14:47

Au nom d'Artaud fauil brûler Ferdière ?

Ce n'était pas une sinécure d'être le médecin traitant (en psychiatrie) du "fou" Antonin Artaud, puisque telle était la qualification dans laquelle on  l'avait enfermé et l'état social dans lequel alors que l'Europe était à feu et à sang, il avait été conduit par quelques propos incendiaires, une agitation verbale et gestuelle jugée dérangeante et que le docteur Gaston Ferdière avait la charge de guider. Il donne à Artaud la possibilité de faire passer dans les mots cette fureur interne, ce trop plein d'ardeur mentale qui agitait le poète au point de le rendre difficile de compagnie et perturbateur des consciences qui tentaient de le rejoindre dans son enfer intime.
Ferdière avait, de la poésie, l'idée que peut s'en faire un homme qui analyse les hommes pour tenter de comprendre ce qu'ils sont, de quel bois ils se chauffent.
Quelques plaquettes de vers naïvement  provocants, qu'on aurait volontiers offert à l'analyse d'un autre psychiatre, comme quoi on ne sortait pas d'une méthode à défaut d'aborder dans un territoire habitable qu'on aurait plaisir à visiter.
J'ai le souvenir d'un article que j'avais donné à la revue "Entretiens "(de Rodez) à lui consacré et qui offrait quelques spécimens de cette vision inquiétante à défaut d'être attachante (impossible de retrouver le document).

 


 
 
posté le 17-03-2009 à 14:27:25

Dirk Bouts pousse au crime.

L'objet de toutes les convoitises. La mort au pied du chevalet.

 


 
 
posté le 17-03-2009 à 14:05:18

L'énigme Dirk Bouts.

D'une écriture sans grâce mais efficace Jacques Lamalle, dans French Collection, nous entraîne dans une folle histoire de faux en peinture. Un Dirk Bouts trafiqué passe en vente publique et fait l'objet de la convoitise d'une série de personnages croqués avec une verdeur impitoyable. On y devine quelques figures bien connues du monde de l'art (entre autre Getty le créateur du musée portant son nom) et peut-être un marchand (Castelli ?). C'est le monde du sexe, des chèques et du sang autour de tableaux aux prestigieuses signatures (Monet, Gauguin, Pissarro, Utrillo, Degas....) s'engage un jeu mortel où l'auteur rejoint le rythme et le climat d'un bon polar. A voir comme un simple divertissement qui introduit le lecteur dans un milieu sans doute traité d'une manière schématique. On y est nécessairement dans la jet set, avec force dollars, rolls et wisky. Il y a même les pépés.


 


 
 
posté le 17-03-2009 à 13:45:27

Tristan Tzara à la tête de feu.

S'il est radicalement assimilé au mouvement "dada "dont il est l'instigateur et sans doute le représentant le plus significatif, Tristan Tzara est aussi un poète hors norme et même bien plus audacieux qu'en tant qu'agitateur qui n'est souvent qu'une manière de se faire remarquer et d'entrer dans la vie littéraire par la porte qui claque. Accueilli comme un  prophète par le trio Aragon, Breton, Soupault à Paris (dans les années 20), il va, en compagnie de Picabia, agiter une société qui, déjà, récupère les valeurs bourgeoises au lendemain des épreuves de la guerre et veut brûler la vie au nom du plaisir. Tzara brûle les mots et les assemble en d'étranges combinaisons qui portent le feu dans la poésie, quand Eluard son  opposé, y apporte le cours tranquille des eaux suaves, une sensualité claire et passionnée. Tzara, au delà des attitudes fières et provocantes qui scandent sa vie de poète débutant, aborde le tissu des mots en y imprimant une force singulière, toute proche des nuits hantées et d'une nature caverneuse.  Ce serait un romantique qui bouscule le vocabulaire, ose des images inouïes, des chants barbares.

 


 
 
posté le 20-02-2009 à 16:54:00

Fermeture provisoire.

Ce blog est interrompu jusqu'à la mi mars.


 


 
 
posté le 19-02-2009 à 15:57:29

Rêver un livre.

Chaque écrivain a sa manière d'aborder la page, le vide vertigineux qu'il a charge de nourrir de sa pensée, de son expérience, de ses rêves.
A suivre les confidences qu'ils accordent sur leur manière de travailler on a les  méthodiques qui abordent la page avec la sérénité de l'artisan. Robert Sabatier avouait bien qu'il écrivait comme "on va au bureau". A heures fixes, s'interrompant au moment voulu et repartant avec la même énergie. D'autres, saisis par l'angoisse de la création, procèdent par à coups en fureur, fulgurance et spontanéité qui interdit toute programmation.
Les rêveurs consignent leur errance mentale sur le papier avant d'écrire. Ce sont des notes plus que des plans, des amorces, des rappels, des pont jetés entre des idées de travaux finis ou à venir.
Georges Bataille, de son métier de bibliothécaire, tirait l'avantage d'avoir des rapports permanents avec la chose écrite, et l'espace temporel suffisant pour rêver ses livres avant de les entreprendre, de consigner ses idées dans la logique d'un texte, sa continuité. Il s'attarde sur le brouillon. Celui-ci est un jardin foisonnant où se regroupent toutes les espèces de son monde mental. Fleurs empoisonnées et superbes, emplies d'une étrangeté qui va donner tout l'éclairage du texte à venir.
Personnages, situations, références se confondent et se fondent dans le feux d'une pensée superbe et désespérée.


 


 
 
posté le 19-02-2009 à 13:54:16

Léo Larguier le chineur.

Les laboratoires médicaux diffusaient, dans les années 50, pour leur publicité, des revues d'une rare qualité culturelle, dédiées, le plus souvent, aux arts plastiques et à  la littérature. Mon adolescence a été nourrie de cette littérature de qualité et sans esprit de chapelle. La clientèle médicale avait ceci de positif qu'elle n'entretenait pas de préjugés vis à vis de certains aspects de la culture. Les admettant tous et sans bâtir des frontières entre les genres. Le milieu universitaire, les professionnels de la culture n'ont pas cette largeur de vue. Ce serait pour eux un scandale de confronter, ou d'évaluer dans une joyeuse compliciteé, à leur juste valeur, des créateurs aussi éloignés que (pour l'exemple) André Breton et François Mauriac, Miro et Gus Bofa, étant pour l'un contre l'autre. On y  est farouchement sectaire, ce qui n'était pas le cas du médecin ouvert à toutes les cultures et, surtout, revendiquant le statut d'amateur, le dilettantisme qui est une vertu. Il vaut mieux passer pour superficiel, léger et futile en revendiquant le droit d'aimer sans logique historique des créateurs qui se sont même opposés dans leur démarche.  
On ne peut considérer la culture comme un  territoire de clans qui s'opposent les uns aux autres. De les admettre tous donne le plaisir et la jouissance qu'on peut attendre d'elle.
Alors, va pour découvrir, côte à côte, Francis Carco et René Char, Artaud et André Maurois,  Max Ernst et Gromaire, Braque et Mathieu....
De surcroît, on s'adonnait volontiers à la recherche érudite autour de phénomènes
culturels jugés "mineurs", comme la "petite Histoire" ou le quasi fétichisme qui  entoure le souvenir des créateurs que l'on admire.
Léo Larguier fut un modèle de ces écrivains dit de "second plan" qui associent l'art de la poésie et celui de chiner.
Fureter dans la culture c'est aussi la déguster.


 


 
 
posté le 17-02-2009 à 14:05:46

Le douanier Rousseau.

Une première tentative de lecture de l'oeuvre du douanier Rousseau.

 


 
 
posté le 17-02-2009 à 14:01:16

Les Rêves du douanier Rousseau.


Extrait d'un texte à venir : LES REVES DU DOUANIER ROUSSEAU.
 
La Guerre.

C'est nulle part. Morne plaine.
En des temps meilleurs le blé s'y courbait, jeune encore, sous l'effet des brises toutes parfumées des lointaines oraisons marines. On y espérait l'été et les rites des moissons. Déjà s'y préparaient celles qui trouveraient le compagnon de toute une vie. On avait planté le décor des sereines traditions.
Ca aurait été comme un orage.
Il s'annonçait. On guettait le ciel. Déjà de sombres oiseaux le traversaient en lignes aussi fines qu'une déchirure dans la densité de la soie. Seul le noir de leur plumage laissait dans les yeux une blessure. Et puis après qu'un long silence eut passé sur des silhouettes apeurées, ce fut la galopade folle du messager de la mort. Il est si déterminé que sa tête, en avant, prépare le passage effilé de tout son corps qui s'étire d'un seul trait. C'est le même spasme que celui de la jouissance. Fulgurant. Il écrase tout sur son passage. Il est sublime de vigueur et d'aveuglement. Affolés par sa force conquérante, les oiseaux se sont posés au sol. Hoquetant, piquetant un tapis de cadavres. A la terre confondus, ils sont comme un moutonnement tranquille de l'eau taquinée par le vent. Et presque de la même tendresse pour décrire la chair. Elle palpite encore. Elle s'écoule dans la mort. La putréfaction, c'est pour l'heure à venir. Déjà la terre s'est faite accueillante, elle s'entrouvre même pour l'engloutissement. Les moissons futures seront plus splendides encore.

 


 
 
posté le 17-02-2009 à 10:57:51

Le corps triomphant d'Eluard.

Audacieux expérimentateur de la photographie Man Ray est aussi un peintre (parfois maladroit mais d'une grande richesse inventive), enfin il illustre, et souvent avec beaucoup d'intelligence du texte, les poèmes de ses amis,  en particulier ceux de Paul Eluard.
Il pratique une sorte d'imbrication du dessin dans le texte, composant une "masse" typographique dont le dessin est la structure, et l'ossature du texte.
Le poème d'Eluard, par définition, est ouvert, irradiant et généreux, en images simples naturelles, promptes et d'une assimilation qui suppose (et invite) à la fraternité. D'où la tentation du poème politique, fait pour tous.
Souvent inspiré par la passion amoureuse, le poème d'Eluard suit les lignes onctueuses du corps féminin dont il célèbre l'émouvante beauté. Il n'est jamais agressif, et à la sexualité tourmentée (à la Bellmer) il préfère l'énoncé tendre et  paré d'innocence d'un désir évident et facilement assimilable à tous les imaginaires. Parlerait-on d'une adolescence de la poésie au regard de son exemple ?

 


 
 
posté le 16-02-2009 à 16:09:45

Max Jacob entre le bordel et l'autel.

Les rapports de Max Jacob avec la foi religieuse sont d'une étrange subtilité. On sait qu'alors qu'il vivait à Montmartre, dans le voisinage étroit du Bateau Lavoir (atelier entre autres de Picasso), Max Jacob se dévergondait dans les "mauvais lieux" de Pigalle et pour se faire pardonner, franchissait, sur les genoux, la montée d'escaliers qui conduisent au Sacré Coeur où il servait la messe du matin.
Du bordel à l'autel il mène ainsi une vie de misère et de repentir.
Lors de son installation à Saint Benoît sur Loire il se met sous la protection du curé local. Entretient des rapports de confiance avec le personnel de la basilique dont il se fait volontiers le guide pour les touristes nombreux qui s'y présentent.
Il travaille dans une chambre qui a des allures de cellule monastique. Entretient l'illusion de la pauvreté, distribuant des onctions mi religieuses, mi poétiques à tous ceux (nombreux) qui viennent à lui. C'est ainsi qu'il se trouve parrainer "l'Ecole de Rochefort" (René" Guy Cadou, Jean Rousselot, Marcel Béalu, Roger Toulouse, Michel Manoll....). Pour vivre il commerce des oeuvres peintes ou dessinées sur papier (il utilise volontiers la gouache). Son inspiration échappe aux normes du moment, aux inclinaisons vers l'avant-garde qui élimine la représentation  réaliste et s'engage dans une remise en cause complète de la peinture. Ce n'est pas son problème. Peintre, il l'est avec la modestie qui était celle des moines du moyen-âge peignant pour l'Eglise. D'ailleurs les références religieuses sont constantes. 


 


 
 
posté le 13-02-2009 à 14:48:27

Alechinsky, l'effet labyrinthe.

D'avoir opté de peindre sur le sol et non plus sur un chevalet, sur une surface que l'on domine et non plus affrontée de face (pour un dialogue), de donner libre cours au pinceau qui court sur la surface, aura changé jusqu'au contenu de la toile. Elle devient un territoire à conquérir. Elle n'est plus l'espace d'un récit, d'une représentation, mais celui d'une aventure graphique qui est  contenue dans ses limites, et, chez Alechinsky s'offre des marges annotées (ce qu'en peinture ancienne on a baptise les prédelles). Moins pour faire une frontière que compléter ce qui se déroule au centre, une sorte d'écho d'une proposition centrée et contrôlée, car si la main est libre elle n'est pas aveugle. Pourtant, en raison même des limites imposées, et pour suppléer aux contraintes qu'elles supposent, on ira vers un graphisme qui se coule et se déroule en circonvolutions, comme un labyrinthe qui se contient dans les limites d'un jardin. Il y a quelque chose du labyrinthe en effet chez Alechinsky, avec des sonorités étranges, des facéties spontanées, des reprises improvisées dans la course créative.
Il y a un souvenir de kermesses flamandes, d'agitation tellurique, de remue-ménage qui donner toute son énergie à la toile, en devient le sujet.
Placé sous l'effet du labyrinthe Alechinsky en invente de tous les genres, du cocasse au tragique. On s'y engage avec un petit frisson de fébrilité.

 


 
 
posté le 13-02-2009 à 11:57:18

Ezra Pound le magnifique.

C'était dans les années 50. Le peintre René Laubiès, chantre des aubes orientales et du ciel qui se meurt à chaque crépuscule, traduisait les Cantos d'Ezra Pound. On en a publié un dans le numéro 2 de "Sens Plastique" (avril 1959). Et l'éditeur Pierre Jean Oswald fait une édition restée confidentielle d'une poignée de ces textes magnifiques et sans doute déconcertants au premier abord, tant ils vont contre toutes les habitudes et les conventions de la poésie. Ce sont des débordements verbaux, entraînant comme un fleuve, dans son cours tumultueux, mots et images, et langues diverses, un raz de marée faisant s'entrechoquer trouvailles verbales et pragmatisme. On a pu parler de polyphonie universelle. Une pensée savante et vagabonde, qui court, saute, franchit les obstacles, bravant les interdits. Tel l'oiseau sautant d'un poteau télégraphique à un autre et qui, chaque fois, ferait crépiter, tel un buisson d'électricité, les charges et la force d'un courant qu'un formidable court-circuit agite.
On se laisse entraîner dans ce déluge, et même mal armé pour affronter toutes les langues (qui n'ont pas de secret pour l'auteur), on se laisse capter, séduire, tête bouleversée par tant de vitalité verbale.
On apprend que Pound, ici et là, à Venise (sa ville de prédilection, il y finira ses jours), Londres (il y fait éclater sa vitalité adolescente), Paris (il milite pour Joyce, les troubadours, Vivaldi, le moyen-âge), va de découvertes à combats pour faire reconnaître ceux en qui il croit car, contrairement à tant de créateurs, il n'a pas l'égoïsme de sa seule pensée. Il tend la main à tous ceux qu'il croise et attirent sa sympathie.

 


 
 
posté le 11-02-2009 à 11:20:35

Les mannequins d'Hélion.

Alors que les mannequins de Chirico sont des vues de l'esprit, relevant d'un univers de fiction (très théâtralisé) et  découlent de ceux dont font usage les couturières, ceux d'Hélion sont arrachés à la réalité. Ils participent de notre quotidien, sont une vision retenue par un piéton de ville attentif à ce qui l'entoure. S'ils sont statiques ils ne sont pas étrangers à une histoire et en sont les acteurs. Ils invitent même à une action cependant figée.
Venu de l'abstraction la plus résolue, théorique, Hélion retrouvant la réalité y puise des sujets qui sont ceux du quotidien. Mais il les transpose dans un climat d'étrangeté qui supposerait un commentaire, un prolongement, un accompagnement écrit. Sinon qu'ils ont cette force singulière de la chose suggérée, qui dispense du commentaire, le contient et lui donne une force propre.
Et par un phénomène vraiment étrange de glissement, il atteint même les zones du fantastique. Quelque soit le sujet adopté, serait-il le plus banal, il impose une vision qui outrepasse les données du réel. Le fait basculer de l'autre côté du miroir.

 


 
 
posté le 10-02-2009 à 15:39:10

Raoul Ubac berger des mythologies.

Taillé comme un roc. Il en avait la solennelle majesté, dans le port, et le verbe à l'égal de cette distance prise avec la faiblesse de la chair. A la ressemblance de son art. Donnant, à celui-ci, quelque chose de religieux. Ses ardoises gravées, taillées au vif, étaient des stèles graves et ténébreuses qui parlaient d'un monde totalement réinventé.
Avant d'y donner toute la mesure de son rapport intense avec la réalité il avait travaillé la solarisation en photographie, le brûlage et la surimpression, afin selon ses propres dires, de capter un "réel dont nous ne cession de montrer les aspects insolites". Il était alors dans le voisinage du surréalisme, complice de Camille Bryen pour des opérations expérimentales, allant du travail de la matière pour en tirer les forces secrètes à l'abandon dans la nature d'objets à signification symbolique. Autrement dit : capter la vérité de la matière, défier le hasard.
Tout comme Man Ray, il pratique la photographie au stade de l'expérience, du travail sur la technique, plutôt que sur le sujet, celui-ci dissous dans le feu de l'expérience comme en une chimie mystérieuse.
S'il évoque les grandes stances des mythologies c'est bien pour démontrer que le mythe est dans la matière, comme les dieux antiques étaient dans les éléments.

 


 
 
posté le 10-02-2009 à 12:12:53

Brillant Morand.

Héritier de la fougue poétique d'Apollinaire et de Blaise Cendrars, enfant, lui aussi, de cette soif de modernité qui va gagner les générations du début du XX° siècle, Paul Morand (n'a-t-il pas inventé "L'homme pressé" !) fait passer dans sa poésie cette décontraction du mondain qui traverse le monde et le domine. Don Juan concentré, fin analyste de ses aventures, de ses quêtes, les poèmes s'accordaient aux romans dont le clinquant pouvait heurter, mais aussi étonner et séduire.
Marcel Proust, au chevet duquel Morand, comme tous les intellectuels de l'époque, allait recueillir des confidences, écrira une préface qui est plutôt une confession pour ce jeune homme étrangement doué et fonceur.
Il est, avec Philippe Soupault (bien  qu'engagé dans l'aventure du surréalisme), une sorte de troubadour de l'amour moderne et des voyages au travers d'une "Europe galante" (l'un de ses romans).
Poèmes en feux d'artifice. Est-ce l'artifice qui subsiste. Tout le monde ne peut pas être Blaise Cendrars.

 


 
 
posté le 10-02-2009 à 11:45:48

Bellmer dans l'arrière salle d'un café.

Il était, dans les années 50, totalement ignoré du grand public, et même du monde de l'art, mais il avait autour de lui une poignée de fidèles, surtout des écrivains (Bataille, Mandiargues, Breton, Gracq) que son univers fascinait. Pauvre pourtant, il partageait avec Unica Zurn une misérable chambre au fond d'une cours, rue Mouffetard. Il y eu un séjour à Ermenonville (Unica dessinait des mondes inouis sur de minuscules boîtes d'allumettes). Mon père le reçoit dans sa maison de campagne mais le courant ne passe pas. J'étais entouré d'oeuvres de Bellmer. Elles hantaient mes rêves. Portant en elles d'étranges fantasmes d'un érotisme jugé alors sulfureux. En particulier une gravure pour Bataille, où l'on voyait une femme amorçant l'ascension d'une escalier tournant comme il y en avait dans les arrières salles de cafés que je fréquentais à Saint Germain des Près. De minces jeunes filles y répétaient une scène pour quelque théâtre d'avant garde, d'autres affichaient une effronterie propre à troubler un adolescent, d'autres encore plongeaient le nez dans un livre, censées faire quelques études. Le temps était ouvert à toutes les spéculations, jusqu'aux plus saugrenues. On pouvait y perdre son âme.


 


 
 
posté le 09-02-2009 à 14:50:01

L'extase de l'écriture.

On en est arrivé à admettre qu'on ne peint plus nécessaire pour représenter quelque chose. Mais la peinture en tant que matière est une fin en soi. Elle est son  propre sujet. De même, en littérature, il ne serait plus absolument nécessaire qu'il faille "raconter" quelque chose. Ni témoigner. La roman réaliste, le roman psychologique obéissent à des normes qu'il  est impossible de négliger. Ils survivent, se modernisent. C'est la littérature la plus appréciée du lecteur qui y trouve enseignement, divertissement, évasion.  Mais on peut faire usage de l'écriture avec d'autres ambitions. Elles se situent aux frontières de la poésie qui, déjà, prenait ses distances avec le sujet, se faisant musique au besoin (comme le voulait Verlaine). On est là au stade des mots qui distillent leur propre saveur, suscitent la rêverie,  engendrent le plaisir. Et de les assembler s'annonce le "plaisir du texte".
On n'écrit plus pour "conter" mais suivre la marche des mots en leurs caprices, leurs assemblages, l'espèce de tissu savoureux qu'ils tissent parfois même sans qu'on saisisse d'emblée leur sens. C'était l'expérience avouée de Philippe Soupault et André Breton dans "Les champs magnétiques".
C'est d'une pénétration attentive, patiente, qu'on en retire toute la saveur. Et sous la couche verbale ainsi construire on découvre l'espace du rêve, voire de la méditation.
Méditer sur les mots c'est l'exercice de l'ouverture sur l'inconnu. Car les mots sont alors les clefs qui nous ouvrent des territoires ignorés, inconnus, surprenants et jouissifs. On arrive à l'écriture de l'extase.

 


Commentaires

 

1. Cybel  le 10-02-2009 à 03:40:28


voilà en ces quelques lignes (que j'aurais aimé savoir écrire aussi nettement) la presque justification de notre presque folie

NB l'avantage, tout de même, d'avoir un peu étudié les langues 'étrangères', mortes ou vives

merci Sorel pour ces quelques lignes de limpidité

 
 
 
posté le 06-02-2009 à 15:38:15

Camille Bryen nous invite à la Poésie naturelle.

Plus que celles qu'honorent les institutions, que fêtent les coteries, que retiennent les médias, certaines oeuvres longtemps marginalisées, gagnent une chance de durer face au changement des modes, aux caprices du public, aux feux de la rampe et reviennent à nous, serties de l'estime de ceux qui surent  les apprécier de leur vivant. C'est de cet ordre que sont inscrites dans l'Histoire des oeuvres comme celles du douanier Rousseau, ou, plus près de nous de Gaston Chaissac l'unique et frondeur inventeur de figures d'un cirque intime. Il faudra aller du côté du Palais du Facteur Cheval, qui est, à "l'art brut", ce qu'est le Parthénon pour l'art classique ou Notre Dame de Paris (vue par Victor Hugo) pour les romantiques.
C'est dans une communion étroite avec ce rêve de pierre, conçu avec la ténacité d'un maniaque ou d'un illuminé que se sont retrouvés ceux qui célèbrent les vertus d'un art qu'ils qualifient de "naturel". Camille Bryen, prodigieux inventeur de motifs poétiques y est pour quelque chose. Allons à sa rencontre, il nous ouvre le jardin des merveilles.

 


 
 
posté le 06-02-2009 à 15:12:23

Places au crime, de Gérard de Nerval à Lautréamont.

Le temps d'une génération sépare le Paris de Lautréamont de celui de Nerval. Et le baron Haussmann sera passé par là qui gommera le Paris médiéval qui fut celui de Gérard de Nerval pour offrir un Paris rectiligne qui sera celui de Lautréamont. Pourtant les ombres ne se sont pas dissipées et Lautréamont les arrache aux abysses de la ville et  elles refusent, par son regard, de disparaître au nom de la modernité. Alors Lautréamont est le gardien des enfers qui subsistent en ses recoins sombres, ses porches désuets, ses venelles oubliées. Elles se concentrent pour venir au spectacle atroce de Mervyn supplicié place Vendôme, une scène de rigueur pour un crime (comme la place de la Concorde le fut lors du fonctionnement de la guillotine où chuta dans le panier d'osier la tête de Louis XVI).
Ne sont-ce pas les places des villes qui sont le théâtre de ses crimes. Celle du Châtelet camoufle une mort plus secrète (énigmatique), celle du Gérard de Neral retrouvé pendu rue de la Vieille lanterne (aujourd'hui le théâtre de la ville). Effet de coïncidence.


 


 
 
posté le 06-02-2009 à 11:08:05

L'approche du poème vue par Henri Parisot.

On ne dira jamais assez combien est important pour l'approche du poème son aspect graphique. Il a besoin d'un écrin raffiné, accordé à son ton, son sens, ses ambitions. D'emblée, à la découverte de l'enveloppe on devrait pouvoir le situer, le qualifier. Non dans le sens de la qualité (qui est variable et n'obéit à aucun critère défini et commun) mais dans celui de l'esprit qui l'a conduit jusqu'au lecteur.
La couverture est l'enseigne du texte. Selon son aspect on pourra estimer ce qui nous attend. Les éditeurs sensibles à la qualité de la poésie le savent bien qui conditionnent l'objet livre, jusque dans ses moindres détails (papier, typographie, illustration) au texte et lui donnent ainsi un premier écho (celui qui nous retiendra ou nous invitera à la lecture).
Un éditeur comme Henri Parisot le savait bien qui concoctait des ouvrages d'un raffinement sans égal ; faisant appel, pour y parvenir, à des artistes en complicité étroite avec les poètes qu'ils accompagnaient : Max Ernst ou Mario Prassinos pour la belle collection "L'âge d'or".

 


 
 
 

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