posté le 15-04-2009 à 11:30:21
La magie des images.
La magie des images.
Plus que la photographie à vocation de restituer la réalité immédiate, l'image qui réinvente le monde a un pouvoir de suggestion qui marque toute enfance rêveuse. Ne jamais oublier la remarque du jeune Baudelaire qui a vécu ce contact intime avec les images dans son enfance solitaire. L'image est d'autant plus "puissante" qu'elle personnalise la réalité, l'artiste la faisant sienne. Si bien qu'on reconnaît le style de l'artiste avant de déchiffrer le sens de l'image. N'en aurait-elle pas un d'évidence qu'elle ne perd rien de son attrait. C'est le lecteur qui se charge de lui en donner un, de construire son monde à partir de ces données graphiques qui en proposent un que l'on peut librement interpréter.
Et plus intime aura été sa découverte (l'effet de surprise n'est pas négligeable, c'est le pouvoir de la nouveauté), plus elle s'imprimera fortement en la mémoire. Et finalement, l'effet de surprise passé, c'est de notre familiarité avec elle que naîtra la caractère durable de son pouvoir.
Il suffit de feuilleter longtemps après qu'on l'a découvert, un ouvrage qui comporte ces illustrations que l'on peut facilement arracher à leur contexte narratif. Elles jaillissent de notre mémoire avec une force stupéfiante. Un effet de choc. C'est le principe de la madeleine de Proust adapté au monde du visuel.
posté le 14-04-2009 à 13:59:43
Mireille Havet, une étoile filante.
La rédaction d'un Journal est souvent une incessante interrogation sur soi-même, un travail d'approche avant la plongée dans une grande oeuvre qui, souvent, ne voit pas le jour, le Journal étant un substitut. C'est aussi le porche d'un univers personnel, l'espace où il se construit autant qu'il se cherche.
Il sera d'autant plus précieux que l'oeuvre annoncée ne vient pas. La Journal de Gide accompagne son oeuvre, celui de Mireille Havet la remplace, constituant l'essentiel de ce que l'on peut attendre d'elle. Car on attendait beaucoup à en croire les témoignages qui la cernent. Née en 1898, morte en 1932, elle aura vécu avec fougue, désespoir et un affront constant aux règles de la bourgeoisie qu'elle provoque comme toute cette catégorie d'écrivains auxquels on se plaît à la rattacher : Jacques Rigaud, René Crevel, Jacques Vaché avec en point commun une morte précoce.
Les débuts sont brillants : attention d'Apollinaire publiant ses premiers poèmes dans "Les Soirées de Paris", un court récit préfacé par Colette, et le passage (dans la figure de la mort) dans Orphée de Cocteau. Mais Mireille Havet brûle sa vie dans le feu des années folles (drogue, sexe, perte totale de vocation sociale).
Elle avoue avec une franchise désarmante son goût exclusif pour les femmes, elle fréquente le monde saphique alors en effervescence avec ses figures emblématiques comme Nathalie Barney, Colette, Lucie Delarue-Mardrus, Renée Vivien.
L'écriture de Mireille Havet se prête admirablement à la tenue d'un Journal qui retient les émotions premières, les sensations subtiles, un rapport purement sensuel avec la réalité. Elle a, en particulier, de curieux rapports de style et d'ouverture sensuelle sur le monde, avec Katherine Mansfield. Un enivrement au sein de la nature, où elle trouve son ton le plus juste, le plus personnel, fait de tendresse et d'émotion.
posté le 14-04-2009 à 11:27:02
Signature, l'empreinte d'une présence.
On peut comprendre les chasseurs d'autographes. Même rapide, distraite, l'empreinte graphique d'une signature laisse quelque chose de celui qu'elle décline. Une odeur, une allure, un caractère. A chacun son registre dans la quête des signatures. Ici une vedette de la chanson, du football, de la politique... Le registre est large et la vedette ne l'est souvent que d'un jour (comme il y avait la "reine"). On peut avoir plus d'exigence et s'attacher aux signatures de personnalités dont la valeur est absolue (mais l'est-elle ?) et le prestige justifié. On pénètre dans l'espace de l'Histoire dont celui de la culture qui est le plus riche parce, qu'elle y accompagne souvent une oeuvre que l'on peut savourer dans l'intimité. Plus précieuse sera la signature de celui qui reste caché et ne sort de son silence, de sa solitude, que par exception. Que l'on songe à un Proust, à un Henri Michaux qui préfèrent l'ombre, le silence, et abandonnent leur signature comme de minuscules témoignages de leur passage. Serait-ce le thème du Petit Poucet.
Mais la magie de l'encre donne du poids à la signature, elle est déjà en soi une mémoire qui se glisse dans le graphisme, l'accompagne, lui donne tout son prix.
posté le 12-04-2009 à 15:49:34
Gastone Novelli un rendez vous manqué.
C'était du temps des aventures éditoriales (modestes) qui se faisaient sous le signe de l'amitié, sans budget, ni plan de promotion bien définie. L'exemple était donné par l'incontournable Pierre André Benoit (PAB) qui composait de minuscules ouvrages à tout petit tirage mais lieu de rencontre d'un poète et d'un peintre, territoire d'une féconde sagesse qui accorde aux mots, aux signes, le pouvoir de nous sauver du quotidien, de notre inanité profonde.
Sous l'égide de "Sens Plastique" on avait tenté l'expérience avec Jean Messagier (Préparatifs pour un matin), quelques pages sobres, lumineuses, et d'une pure sensualité, de ce graphisme si particulier qui accrochait les nuages et fécondait la lumière. On avait projeté de refaire l'expérience avec Gastone Novelli dont on aimait le signe bref, emporté, fouailleur. Il avait participé à un des accrochages du salon "Donner à voir" qui rassemblait toute la production de l'époque, des Nouveaux Réalistes de Pierre Restany aux surréalistes de José Pierre. Il y fit sensation (comme Twombly dont c'était un des premiers accrochages à Paris).
Les dessins furent exécutés, mais malencontreusement perdus lors d'un déménagement. Ne sont pas rares les dégâts irréversibles pour l'art contemporain dans un déménagement où ce qui peut paraître dérisoire est, aux yeux de l'amateur d'art, un jalon d'excellence pour une meilleure compréhension de notre monde. Que serait devenu la "Porte bouteille" de Marcel Duchamp dans un chargement de mobilier bourgeois ? Perdu, ce n'était pas grave on retournait au BHV pour en acheter un autre !
Les dessins de Novelli étaient proches du graffiti, c'est une raison de leur perte.
posté le 11-04-2009 à 16:38:33
Van Dongen by night.
C'est le monde de Manet (Le bar des Folies Bergère) de Degas (ses scènes de théâtre) et même de Renoir (La Loge), c'est une certaine idée du Paris by night qui date du XIX° siècle qui y fit sa découverte d'une peinture proche du social et d'une audace qui tient autant à ses sujets qu'à la manière de les traiter. Par grands traits et dans l'urgence. On est proche du croquis, du dessin à l'emporte pièce qui arrache les expressions. Des attitudes plus que des psychologies individuelles, des "types", comme une sorte de catalogue des classes sociales avec leurs travers, leurs rites, leurs ridicules. Car ce n'est pas une vision aimable ou tendre, mais directe, aussi impitoyable que la photographie. Elle est née en même temps que cette dernière, et comme soucieuse de lui arracher ses prérogatives de dire dans l'immédiat un geste, un instant.
Van Dongen n'est pas le dernier, et le plus mauvais à s'y risquer. Il y retrouve toute la franchise graphique de la caricature. La frontière est fragile entre cette promptitude à retenir la seconde qui révèle la vérité des foules, des rapports humains, et l'art de mettre en scène, dans l'économie graphique que suppose l'art du dessin, cette réalité qui dénonce ses travers.
posté le 10-04-2009 à 19:45:33
Marie Laurencin, une peinture féminine !
Marie Laurencin aurait-elle eu le destin qu'on lui connaît sans Apollinaire qui, l'aimant, s'attache à faire connaître son oeuvre et même lui "décerne" le label de "peintre cubiste" aux côtés de Braque et Picasso grâce à qui, justement, elle l'avait connu. Capricieuse, sans doute séduisante, elle parvient à "conquérir" le "tout Paris" de l'époque (les années 30) mêlant curieusement dans ses relations, duchesses sorties du monde de Proust et écrivains pour lesquels elle fait des illustrations qui ne manquent pas de charme mais restent un peu maniérées (Marcel Jouhandeau, Gide, Paul Morand, Jean Paulhan).
Arthur Cravan, le pittoresque rédacteur de la revue Maintenant ( qu'il vendait dans une voiture des quatre saisons), fut à son égard injurieux, mais on peut lui accorder une vision dégagée de toute complaisance de cette oeuvre qui vivra et se développera sur la culture des sentiments, de la douceur un peu suspecte de ce monde artificiel et trop suave qu'elle fréquente et célèbre. La peinture y gagne une oeuvre d'une aimable complaisance, dont on peut vanter la féminité excessive. Mais n'est-ce pas, justement, ses limites ?
posté le 10-04-2009 à 12:10:31
Apollinaire le flâneur.
On aurait pu s'attendre à une couverture du douanier Rousseau qui devait tant (et de sa légende et de sa gloire) à Apollinaire, et il fut, lui aussi, un piéton de Paris.
Telle qu'elle est (un peu fade) elle nous met cependant dans l'ambiance. Le Paris d'Apollinaire n'est pas celui du touriste type, mais celui du chercheur de curiosité. Il nous y fait rencontrer des personnages qui participent étroitement au charme de la ville et en sont comme les notes sur une partition, les éléments qui donnent le ton. Le terme même de flâneur nous met bien dans le sillage de celui qui ne va pas d'un point à un autre mais se laisse porter par la hasard (les "situatitionnistes", émules de Debord, le firent un demi siècle après, et André Breton, et Aragon sont eux aussi dans le même état d'esprit.)
Pendant longtemps un chroniqueur d'art attaché aux Nouvelles littéraires avait adopté ce titre pour ses "balades d'art" sur les deux rives. J'ai eu le bonheur de lui succéder et si le titre avait disparu, l'esprit était resté le même. L'approche de l'art (visite des galeries de peinture) ne se faisait point dans un esprit de théorie mais en se fiant à son instinct, à sa bonne fée, au hasard qui est porteur de toutes les merveilles que l'on peut y rencontrer.
posté le 09-04-2009 à 14:53:06
Léautaud à l'affût.
Il faut l'imaginer dans son petit bureau de la rue de Condé, au Mercure de France, où il avait un emploi de secrétaire. Un bureau (à en croire son "Journal") largement
ouvert aux intrusions des visiteurs (souvent les auteurs de la maison). Si bien qu'il était à un poste exceptionnel d'observation et en contact permanent avec les poètes dont il recueille des textes pour la constitution de l'anthologie qu'il conçoit avec son vieux camarade Van Bever. Un document unique sur la production poétique à cette charnière des XIX° et XX° siècles dont il est lui même un éminent représentant.
Òbservateur impitoyable, Léautaud est aussi un amateur de ce français dont il défend avec passion la pureté, l'élégance, quitte à réduire le champ d'investigation qu'une langue est en mesure d'assurer. Puriste au point de ne pas toujours distinguer l'originalité foncière qui défie la beauté de la forme.
L'ouvrage (rare) est un document précieux pour entrer dans la familiarité de la poésie de cette époque d'autant que bien des auteurs cités sont aujourd'hui oubliés.
*
Jean Rousselot aura tenté la même expérience pour la poésie des années qui s'ancrent dans le temps de l'Occupation et vont jusqu'en 1950.
L'ouvrage (monumental) de Robert Sabatier tient plutôt de l'Histoire de la poésie et offre un vaste panorama depuis ses origines (en France).
posté le 08-04-2009 à 15:19:05
Alfred Jarry sur la Butte (en mousquetaire).
Jarry est partout et c'est le destin de ceux qui ont créé autour d'eux une légende. On le prétend "sur la Butte" (la Butte Montmartre) sans doute parce qu'elle est le lieu des plaisirs et de l'art et que Jarry est au coeur de l'animation qui génère les idées neuves. Le caractère pittoresque du personnage aura occulté en partie l'oeuvre elle-même, et n'aura retenu pour le plus grand public que ce fameux Ubu dans lequel il avait fini par se reconnaître. Ou qu'il se plaisait à faire vivre par ses attitudes, l'étrangeté de son comportement et les facéties multiples qui scandent sa vie de misère et de folie.
C'est bien aussi la particularité de son aventure d'homme lancé dans une société prompte à applaudir et renier ceux qui se lancent sur la scène publique ; il est connu (et reconnu) par des facettes d'un personnage multiple et parfois déconcertant, mais toujours fascinant. On feuillette sa vie comme un album d'Histoires farfelues, d'une originalité qui tenait moins d'une faille de sa personnalité que d'une stratégie artistique, annonçant ces artistes qui le sont par le geste plus que par les oeuvres. Encore que lui ait aussi laissé une oeuvre chatoyante et proche d'une philosophie du désespoir.
posté le 08-04-2009 à 14:44:49
Artaud et l'asile.
L'enfermement, qu'il soit celui de la prison ou de l'asile, exerce une sorte de fascination et dote la création de ceux qui en sont les victimes d'une auréole prestigieuse. Le Marquis de Sade aurait-il une aussi large audience s'il n'avait pas été une sorte de martyr de la morale d'une société qui refusait d'admettre son comportement. Et le prison n'a-t-elle pas été finalement la source (sinon le moteur) de son oeuvre. L'isolement ouvrant largement l'espace de l'imaginaire et du fantasme. De même, l'oeuvre de Jean Genet est toute entière nourrie de l'enfermement adolescent (sort des enfants orphelins ou abandonnés et confiés à des institutions).
Le cas d'Antonin Artaud est plus complexe. L'asile lui a donné un prestige lié à la souffrance, lui qui dénonçait justement (même étant libre) cette difficulté d'être et surtout de dire son "mal être".
L'asile va exacerber ce mal, le précipiter dans des abîmes que tentent d'explorer les déviances du langage, ses désarticulations, ses maniements effrayants. Comme si, le verbe, affolé, défiait ses limites, C'est une langue électrisée qu'il maniera avec une force qui la détruit. Son physique dénonce cette lutte intérieure, cette chute vertigineuse vers les abysses d'où souvent l'on ne revient pas.
posté le 08-04-2009 à 14:23:11
Apollinaire par ses manuscrits.
C'est aussi au choix de ses supports qu'une oeuvre d'art trouve son cheminement, en s'appuyant sur une matière, quelque chose de concret, de l'ordre du tactile, et que la main découvre avant que l'esprit n'y dispose ces miettes de son ordre secret, de ses rêves, de son monde en parcelle car toute création n'est jamais que l'émiettage de sa pensée.
Nombreux sont les manuscrits d'Apollinaire, et émouvants, parce que d'ordre aussi imprévu que devait l'être l'inspiration qui se contente de ce qu'elle est a sous la main pour se décharger du poids ardent de ce qu'elle veut délivrer. Comme d'un carcan d'où elle surgissait, exigeante et parfois douloureuse.
"Tout terriblement" a écrit Apollinaire, donnant là la mesure de ses ambitions, encore que l'écriture n'en dise pas l'urgence et relève plutôt d'une sage application à bien cerner l'essentiel du mot, lui donner toute sa force. S'il use du poème "anecdotique", c'est pour donner justement à celui-ci l'espace dont il a besoin pour se développer. Il est significatif qu'il ait aussi abordé le calligramme, le poème qui construit sa propre prison graphique.
posté le 07-04-2009 à 13:51:45
Blaise Cendrars au rythme du chemin de fer.
C'était une révolution dans le monde de la poésie. D'une audace inouïe. Le très jeune Blaise Cendrars demande à Sonia Delaunay de construire, avec lui, un livre qui traduise visuellement l'idée de rythme qu'il avait mis dans les mots du poème : "La Prose du Transibérien". On sentait vibrer la machine qui entraînait le convoi, le bruit scandé des boogies (il en naîtra aussi le boggie-woggie), la fièvre du voyage et cette étrange nostalgie qui s'y mêle. Ce sera un poème emblématique, un livre culte, mythique. Blaise Cendrars, qui aura toujours des rapports étroits et d'amitié avec les peintres (Chagall, Léger, Modigliani, Robert Delaunay) aura été rarement aussi bien inspiré.
Devenue une vénérable vieille dame Sonia Delaunay, dans son vaste et lumineux atelier de la rue Saint Simon, conservait avec émotion les souvenirs de cette collaboration qui lui fut aussi si fertile et l'assurait dans ses propres recherches. Avec cet accent "russe'" qu'elle n'avait sans doute jamais totalement perdu elle égrenait des anecdotes savoureuses (et parfois vachardes) sur ses contemporains. Elle n'était pas tendre pour Picasso, mais Blaise Cendrars était resté dans un coin de sa mémoire comme une pépite d'or de ses meilleurs souvenirs. Elle déployait avec fierté le magnifique livre qui prenait des allures de somptueux tissus. Ceux-là même qu'elle ornait de rythmes ardents et vifs qui disaient tout l'espoir que l'on portait alors dans la modernité.
posté le 06-04-2009 à 15:37:56
Pessoa au coin de la rue.
C'était une merveilleuse idée que de disposer une statue (en taille réelle) de Pessoa assis à une terrasse de café, celui-là même qu'il fréquentait lors de ses quotidiennes déambulations dans Lisbonne. Poète emblématique de la ville, il se nourrissait de sa vie trop ordonnée mais passionnée, animée par des personnages dont il partageait le dandysme intellectuel, les rites simples et parfumés de fantaisie d'un piéton amoureux de l'amour, et vivant une si profonde solitude intérieure qu'elle se peuplait de souvenirs, de chimères, d'une autre vie, perchée sur les hautes branches de la mémoire. A la terrasse d'un café il refaisait le monde et le contemplait, à demi plongé dans ses fantasmes, au bord d'une réalité pittoresque car elle sait l'être pour ceux qui savent voir, retenir la magie des instants les plus ordinaires.
On est invité à venir s'asseoir à la table voisine de la sienne (où traîne un livre de poèmes) et, à son tour, au plaisir égoïste de se baigner dans cette eau forte des foules qui déambulent, se raconter les vies qui passent, porter son désir sur des filles arrachées à la banalité de leur vie par la grâce de leur démarche de conquête, car jetées dans la rue elles sont déjà des amazones dont on peut se faire le chantre.
posté le 03-04-2009 à 11:25:35
Apollinaire chez lui.
Sous les toits au 202 (à vérifier) du boulevard Saint Germain Guillaume Apollinaire s'est inventé, à la fin de sa vie, un minuscule appartement orné de ses livres (souvent des curiosités bibliophiliques) et de cet art nègre dont il est avec quelques un de ses compagnons de balades parisiennes ( Vlaminck, Derain, Picasso) l'un des premiers à avoir compris l'importance qu'il peut avoir pour un renouvellement radical des formes et des arts plastiques dont il y est un observateur attentif.
Lieu de réflexion, de rêverie, Apollinaire ce "piéton" considérable, sait aussi être un homme de cabinet (il fréquente aussi la Bibliothèque nationale. La voilà donc dans son cadre de travail. Le luxe en est le savoir qu'il contient et dispense à celui qui sait y dénicher la perle rare, car la culture d'Apollinaire c'est aussi celle des bizarreries, de singularités, des anecdotes savantes qui fait le bonheur du chercheur. Il ne manque plus, là, que le chat évoqué dans les poèmes.
posté le 02-04-2009 à 14:25:56
Case d'Armons au coeur des Calligrammes d'Apollinaire.
Il est peut-être significatif qu'au coeur du recueil "Calligrammes" il y ait "Case d'Armons". Il a son histoire. C'est un recueil tiré à 25 exemplaires, en polygraphie sur papier quadrillé à l'encre violette, au moyen de gélatine, à la batterie de tir (45° batterie, 38° régiment d'artillerie en campagne) "devant" l'ennemi et le tirage a été achevé le 27 juin 1915. Sans doute Apollinaire est-il en compagnie de quelque malheureuse recrue venue d'Afrique comme en témoigne ces vers si bien balancés :
"C'est dans la cagnat en rondins voilés d'osier
Auprès des canons gris tournés vers le nord
Que je songe au village africain
Où l'on dansait où l'on chantait où l'on faisait l'amour
Et de long discours
Nobles et joyeux..."
Un servant de Dakar témoigne de son émoi.
Les mots sont encore ici dans l'ordre donné par l'usage
Mais, dans Case d'Armons, Apollinaire se risque à des inventions graphiques audacieuses, qui épousent curieusement la trajectoire, furieuse et mortelle des bombes qui enflamment le ciel le temps d'un combat. Elles en retrouvent l'élégante calligraphie porteuse et mort, de blessures, de douleurs.
Y-a-t-on suffisamment pensé.? Sans toute il était à la pointe des novations typographiques qui reprenaient les audaces d'un Rabelais, d'un Laurence Sterne et qui vont faire les beaux jours de dada, de Pierre Albert Birot. Et Apollinaire, si proche de la peinture, n'a-t-il pas affirmé un jour " et moi aussi je suis peintre".
On peut aussi imaginer que la vision de ce feu d'artifice mortel ait pu lui donner le goût de faire danser les mots. La poésie est inscrite dans la affres de la vie. De la mort.
posté le 02-04-2009 à 11:37:32
Léon-Paul Fargue, pour le plaisir.
Léon Paul Fargue est de ces poètes qui inspirent des éditions rares, soignées, artisanales, presque secrètes, destinées à quelques admirateurs qui sauront en apprécier toute la beauté tranquille. Un livre de réflexion, de plaisir intime.
Il revient à quelques typographes devenus légendaires (GLM, Rougerie, P.A.B. Jacques Haumont) d'en offrir de savoureux exemples. Textes anciens, écrivains des marges ou, justement, ceux-là qui ne sont pas aux premières lignes de l'actualité, de la mode et possèdent ce pouvoir unique de susciter des sortes de culte, d'attirer la passion.
Léon-Paul Fargue en était. Piéton de Paris il savait donner à chaque lieu qu'il découvrait, fréquentait (où il entraînait ses amis comme le photographe Brassaï), un forte dose de mystère, de poésie et de tendresse pour l'espace de la mémoire qu'il contenait. Rue de Villejust c'est justement le souvenir de Paul Valery et de la flambante Berthe Morisot. Quelle promenade inouïe. Plus captivante dans les mots, dans les pages d'un livre que dans la réalité. C'est là la magie de la poésie.
posté le 01-04-2009 à 12:14:35
Mallarmé en surprise.
Valvins en surprise
La voiture sursaute dans les trous d'un chemin musardant le long de la Seine. Chevaux et promeneurs en goguette et le soleil en prime. On longe de hautes murailles ourlées de verdure, on y devine des propriétés secrètes, des vies enfouies dans des souvenirs de gloire familiale, peut-être des drames pudiques, on y perçoit des allées mal taillées, en maraude de jardinier négligeant, on y devine des histoires comme on n'en trouve que dans des romans qu'on ne lit plus. Et puis, à l'approche de ce pont qui a des allures d'autoroute, où se découpe une circulation automobile d'un dimanche soir, au retour au bercail après une journée passée en famille et en forêt, surgissant dans l'entassement de maisons modestes, au coude à coude familier, une façade blanche zébrée d'un escalier sans faste mais festonné de plante grimpante et l'affichage que c'est la maison de Mallarmé.
Une plaque le précise, on se souvient qu'il avait loué là deux pièces modestes pour se rafraîchir au bord de la Seine (ne dit-on qu'il y faisait usage d'une yole dont la légende a conservé quelques souvenirs d'amis fidèles ?). La maison, par la suite, par les soins de sa fille Geneviève, était devenue une maison de famille puis, le temps faisant son travail, l'intimité du poète était offerte en pâture au curieux. Voici un musée comme on les aime. On y respire l'air de la création, celui du sublime parfois. Ce sera pour une prochaine fois. L'adresse est notée. La Seine coule tranquille aux bords du mince jardin qui sépare de la route (de campagne)..
posté le 30-03-2009 à 15:56:04
René Char, le poème comme une maxime.
Des mots choisis (ciselés mais non pour leur seule beauté), des phrases en forme de maximes. Le poème moins bref que ramassé, contenant son développement dans notre manière de s'y attarder, de le rêver. Le lire c'est l'enfouir en sa mémoire, gravé comme une maxime. On songe à ces inscriptions qui ont défié les siècles dont la pierre est le support. Ici c'est la page du livre. Le blanc n'est pas une coquetterie de mise en page mais l'encadrement nécessaire pour donner tout son "relief" à la phrase qui y est enchâssée.
Si on y ajoute la voix, car la poésie de Char est faite pour être dite (elle est le spectacle de la poésie) on est dans le feu d'une certaine ardeur qui n'est pas dans l'effet mais dans la ton, le poids des mots non leur chamarrure. D'ailleurs un poème dit par l'auteur (avec sa voix chantante, légèrement marquée de sa nature méridionale) lui donne brusquement une autre dimension.
Encore que, pour ma part, j'en préfère la lecture dans le silence de la méditation, un climat à sa ressemblance. Peut-être un décor de jardin en une campagne sans trop d'apprêt, ou encore à l'intérieur d'un tablea
u (un Georges de la Tour). On est là hors du temps, dans l'éternité d'une certaine sagesse.
posté le 30-03-2009 à 15:41:10
Henry Hayden illustrateur de Joseph Kessel.
Ne sont pas rares les peintres qui, à leurs débuts, travaillaient comme illustrateur, trouvant une source de revenus qui ne compromettait pas leur avenir et leur permettait de s'expérimenter dans une discipline qui avait ses exigences, ses lois et ses modes. Beaucoup s'adonnèrent à l'illustration de magazines d'humour comme l'Assiette au Beurre à laquelle collaborèrent bien des peintres du début du XX° siècle (comme Jacques Villon et même Marcel Duchamp). Henry Hayden, d'origine polonaise, s'inscrit plutôt dans cette série abondante et fertile d'artistes qui illustrent des éditions littéraires "bon marché". Dans ce domaine la Collection Le Livre illustré moderne de chez Ferenczi est un modèle du genre.
Elle s'attache aux écrivains les plus populaires du moment : René Boylesve, Colette, Francis Carco, Lucie Delarue-Mardrus, Marc Elder, Raymond Escholier, Edouard Estaunié, Abel Hermant, Francis de Miomandre, Edmond Jaloux, François Mauriac, Joseph Kessel, c'est pour ce dernier qu'Hayden donne une suite de dessins d'une facture élégante et libre.
posté le 28-03-2009 à 11:04:40
Les mots d'Yves Tanguy.
Yves Tanguy, amoureux des mots (ami des poètes), se plaît à écrire à l'intérieur même du dessin, mots et images (qui en naissent ) s'harmonisent et se confondent, se lient étroitement jusqu'à constituer une masse cohérente d'où rien ne peut être arraché sans détruire le tout. Illustrateur fidèle de Benjamin Péret (le plus intime des amis d'André Breton) il invente pour lui une iconographie insolite et aiguisée aux embruns marins n'oubliant pas qu'il est breton et amoureux de la mer.
Plages infinies, rochers écorchés dans l'obstination des éléments qui les sculptent, Yves Tanguy traduit dans le dessin cet univers moins désenchanté que naturel à celui pour qui il est familier.
De la liaison intime des mots dans le dessin il y aura à dire qu'elle découle des calligrammes, de ce souci de donner au mot le pouvoir de montrer autant que de dire. De conduire sa pensée sur deux voies étroitement complices. Passant de l'une à l'autre dans la ferveur du discours, sa force évocatrice.
Dans cette volonté de mêler si étroitement deux disciplines que l'on pratique d'ordinaire séparées il y a la perception de leur origine commune.
posté le 27-03-2009 à 15:07:44
L'écriture de l'oiseau.
Il n'est pas de plus belle histoire de plume (porte plume) que celle qu'en donne Raymond Roussel évoquant la fascination que pouvait exercer sur lui la contemplation de cette petite bille qui était inscrite dans le manche et qui contenait une image (souvent de caractère touristique) qui le transportait, le besoin chez lui de s'évader passant par les choses les plus simples.
Du prestige de la plume (avec ou sans porte plume) ! mais, d'origine, elle n'en avait guère besoin, alors son usage nous transporte dans des époques où l'écriture était un art suprême. Rêverait-on d'être témoin de madame de Sévigné quand elle abordait son importante correspondance. Er que dire de toutes celles qui confiaient dans l'intimité de leur bureau à leurs amis de coeur (pas nécessairement amants) l'essentiel de leur pensée de leurs émois. Songeons à cette madame du Deffand cloîtrée dans son appartement de la rue Saint Dominique (où elle tenait "salon") et, le soir venu, alors que l'on tirait les lourds rideaux qui isolaient des bruits de la rue, et apportait les lourds bougeoirs qui dispensaient une lumière tremblotante, amorçait ses longues confidences écrite à celui qu'elle avait élu comme son correspondant de coeur, le mondain Horace Walpole esprit distingué s'il en fut. Ou encore, en à la faconde amicale de George Sand écrivant à son ami Gutave Fiaubert comme on écrit à un frère un peu dissipé, ou quelque amante exaltée comme Marie Dorval poursuivant Alfred de Viigny de sa flamme qui trouve des mots à sa mesure pour séduire le poète.
Pense-ton assez, comme il le faudrait, qu'une plume, alors, est un organe (un instrument crée par la nature) qui permet à un volatile de s'envoler. Comme ne pas imaginer que les mots qui en naissent, qu'elle aide à former (à dessiner), ont toute la grâce et la légèreté qu'elle suppose.
posté le 27-03-2009 à 13:50:16
Yves Tanguy découvre Giorgio de Chirico.
On connaît l'histoire, elle est une des belles légendes du Surréalisme.
Alors qu'Yves Tanguy, médiocre peintre qui "se cherchait", se trouvait sur la plate forme arrière d'un autobus passant rue de la Boétie, il entrevoit à la vitrine d'une galerie d'art ( Paul Guillaume ) une peinture qui l'attire irrésistiblement. Il saute du véhicule, un peu comme s'il avait remarqué une jolie femme sur le trottoir (la vivacité de son geste aurait été tout aussi justifiée). Et ce fut pour découvrir une toile d'un inconnu (pour lui): du peintre Giorgio de Chirico. Il était alors au début d'une brillante carrière et bientôt, connaîtra l'estime largement partagée par l'ensemble des amis d'André Breton, tous les surréalistes. Pour Tanguy ce fut le coup de foudre. Il entrait dans la peinture qui allait être la sienne : étrange, mystérieuse, fantastique, insolite. Chirico offrait dans une facture neutre, lisse, clairement lisible, des scènes totalement inventées encore qu'on ait pu conclure qu'il s'était inspiré de l'architecture rigide et pompeuse de Trieste où il avait résidé.
Ce qui comptait le plus c'était la mise en scène de statues (il y aura aussi des mannequins) dans un espace débarrassé de tout détail anecdotique. On entrait dans un univers (théâtral) propre à la fiction, au rêve. Avec, de surcroît, le poids du silence qui annonce une catastrophe où l'entrée dans une zone autre que celle qui nous est familière.
posté le 27-03-2009 à 11:51:24
Silhouette d'Apollinaire.
Homme de café, entraîné dans la rumeur citadine qu'il avait si bien perçue, Apollinaire s'était créé (la vie lui avait créé) une silhouette pittoresque, entre le bon géant débonnaire et le dandy-bohème. Discoureur, fascinant, savant en toutes choses, curieux de tout et surtout de l'insolite. Attirant à lui les jeunes poètes (Breton, Aragon en furent) inventant sans cesse calembours, acrostiches et autres jeux verbaux qui devaient donner un coup de fouet à une poésie qui s'éternisait dans le symbolisme et n'avait pas encore digéré le charme suranné de Verlaine.
Il ressembla (surtout à la fin de sa vie, et quand Picasso fait son portrait le front bandé) à une sorte de statue du commandeur. Sa silhouette se prête bien à cette création du poète-modèle. Nous lui rendons, aujourd'hui, un juste culte.
posté le 27-03-2009 à 11:14:49
Bomarzo : les portes de l'enfer.
Mandiarges m'en avait vivement recommandé la visite. Il avait publié un bel album qui en décrivait les splendeurs. C'était une fabuleuse histoire aux couleurs des contes dont il avait une connaissance aiguë , originale, loin des usages qu'on en fait sur le rebord des lits d'enfant, pour les conduire vers le sommeil. Il faudra revenir sur ce sujet moins innocent qu'il y parait.
En dépit d'un projet de m'y rendre j'en fus écarté pour une stupide histoire d'autoroute qui m'en éloignait. Me restent les images et l'étonnante épopée qu'il racontait.
Selon certains (et non des moins crédibles) l'organisation du jardin avec ses différentes stations sculptées (outre une référence à Dante) serait l'illustration du texte mystérieux de Francisco Colonna : "Le Songe de Polyphile". Il revient trop souvent dans mon travail pour que ne je m'y arrête pas un court instant, (ce sera la matière d'un livre à venir : "Le ministère des forêts") en m'attardant sur la porte de l'enfer.
J'y ai trouvé une équivalence contemporaine dans l'entrée des cinémas (aujourd'hui disparus) qui étaient classés pornographiques. J'avais tenté d'en développer l'idée dans le chapitre final de "La femme flambée" On y reviendra.
posté le 26-03-2009 à 15:09:00
Pour un enfer saphique.
L'enfer saphique de la Bibliothèque Nationale.
Le travail de Guillaume Apollinaire et de Louis Perceau sur "l'enfer" de la Bibliothèque Nationale permet de remettre en lumière maints ouvrages détournés de la "circulation" commerciale et réservés à un public de chercheurs avertis et de curieux, la goût de la bibliophilie n'étant pas étranger à la collection d'ouvrages souvent dus à d'éminent écrivains mais tenus secret face aux préjugés tenaces qui touchent tout ce qui relève du sexe.
Significativement on y voit de grands "classiques" qui ne dédaignent pas de participer à des anthologies où ils déploient des aspects peu connus de leur fantasmes, tels Victor Hugo, Baudelaire, Théophile Gautier, Henry Murger, et qui de dédaignent pas de côtoyer des écrivains de second plan comme G. Nadaud, André Delvau (par ailleurs riche chroniqueur de la vie parisienne vue dans ses coulisses) ou encore le pittoresque Charles Monselet qui, à lui seul, mériterait une attention plus vive tant son oeuvre multiforme - côtoyant souvent celle de Baudelaire- offre de passionnants aspects ou encore Albert Glatigny le séduisant poète.
posté le 26-03-2009 à 14:25:15
Des vies entières dans les livres.
L'arrivée subite d'une grande quantité de livres peut bouleverser notre vie. Ce peut
être à la suite d'un héritage (c'est le plus fréquent des cas) ou bien quelque'achat global en particulier lors d'une vente publique. Ce fiant à son flaire on aura porté son choix sur un lot sur lequel on aura bâti tout l'espoir d'y trouver la pièce rare. Une légende tenace circule dans le milieu des bouquinistes (et de leurs plus fidèles clients) que c'est souvent dans les lots plus ingrats que l'on trouve la pièce rare. Telle édition de Reverdy sur papier vergé et numéroté, cet Artaud qu'on ne connaissait que par référence bibliographique ou telle version française d'un DH Lawrence en "originale" (je cite ce que je souhaiterais trouver !)
Une bibliothèque dont on hérite a le double mérite d'entretenir des souvenirs d'enfance (on y aura puisé ses premières lectures, on en aura feuilleté l'essentiel sans toujours bien mesurer l'importance de ce que l'on abordait).
Voilà le principe de l'héritage acquit. C'est toute une époque qui vous tombe dessus. Chaque génération a ses vedettes, ses écrivains phares, et l'orientation littéraire en dit long sur la personnalité de celui qui l'aura suivie.
Une bibliothèque est le portrait de son propriétaire. D'ailleurs la notion de propriété (si mal venue en général et source de tant de conflits sordides) n'aura d'excuses que dans ce domaine qui touche si intimement la personne qui en est l'initiateur.
Surtout pour celui qui aura passé une vie entière dans les livres. Autre sujet à débattre. Quelle est la frontière entre la vie et l'emballement romanesque qui conduit certains lecteurs à fuir la" vraie vie" pour s'identifier à des personnages de papier, inventés par un auteur.
S'enfermer dans sa bibliothèque, vivre parmi ses livres n'est-ce-pas faire le pas fatal qui conduit du réel à la pure fiction.
posté le 26-03-2009 à 11:33:53
Artaud en confidence.
Plus que pour tout autre écrivain la notion de brouillon, le mythe du carnet de note aura son importance car Antonin Artaud vivra constamment avec des carnets en poche (souvent de modestes cahiers d'écolier qu'il couvrait d'une écriture hâtive, désordonnée, passionnée, virulente, à la mesure de sa pensée toujours effervescente). On ne peut attendre chez lui une oeuvre construire. Trop de hâte à dire, à prévenir, à explorer ce champ effrayant de sa propre conscience aiguë du monde, de la réalité, de son devenir. Construire une oeuvre c'est s'arrêter à un sujet, le creuser quand à mesure que l'on explore son sujet d'autres surgissent qui le tiennent et l'enserrent et le nourrissent, parfois le contredisent.
L'esprit navigue et s'affole d'aller ainsi aux quatre coins de l'horizon de la pensée.
L'écriture qui colle à sa pensée chez Artaud me fait penser à la peinture de Jackson Pollock qui balance sa couleur sur une surface plate (l'aménagement du territoire) en allant d'un point à un autre d'une galaxie, de l'univers connu, pour percer le secret de ses frontières et gagner des zones inconnues où, se risquer, c'est aussi perdre le rythme de sa phrase, en briser la logique pour basculer vers de nouvelles questions, une autre aventure que celle prévue. Ainsi une phrase perd-elle en route son itinéraire et va cogner ailleurs, en terre inconnue
On peut imaginer une oeuvre qui a perdu son plan, comme le voyageur a perdu sa carte. Le lecture d'Artaud c'est celle d'une que quête qui n'est ni celle du Grâal ni celles que nous propose notre héritage légendaire. Mais d'un esprit qui s'est détaché de son savoir l'ayant mis en doute. Dada ne fut-il pas la mise en cause de notre société, Artaud met en cause les discours que l'on nous enseigne parce qu'il n'a pas trouvé les mots qui ont la pointure de nos angoisses ( de nos problèmes) alors ses carnets sont ceux d'un bien étrange explorateur. Nous n'avons pas encore inventé la boussole qui aille avec.
posté le 25-03-2009 à 14:30:27
Les vestales de la rue de l'Odéon.
Sylvia Beach, la vestale de la rue de l'Odéon.
Dans la voisinage immédiat de la rue de Vaugirard où était installé "Le Soleil dans la tête" (dans les années 50-70) il y avait la rue de Condé, qu'il fallait emprunter depuis le métro Odéon, pour l'atteindre. Elle était chargée de souvenirs. C'était là, dans les années 30, qu'opéraient Adrienne Monnier et son amie Sylvia Beach toutes deux librairies mais d'originale façon. On connaît l'aventure d'Adrienne Monnier qui avait créé un "cabinet de lecture" où se retrouvaient André Gide, Paul Valery, Aragon, André Breton, Valery Larbaud, Léon-Paul Fargue, Paul Claude tous ceux qui "faisaient" la littérature du moment. Lieu de rerncontre, des conférences ponctuaient la vie de la librairie qui jouait un rôle de "laboratoire central " pour reprendre la belle et significative définition de Max Jacob
Juste en face il y avait la librairie Shakespeare et Cie animée par Sylvia Beach qui fut l'éditrice française de l'Ulysse de James Joyce, ce qui n'était pas une mince aventure vue l'importance de l'ouvrage, sa réputation sulfureuse et le caractère intransigeant de l'auteur. Sa librairie servira d'exemple, de référence à toutes celles qui, depuis, jouent la carte de la littérature contre le marché du livre d'actualité (celui qui passe et trépasse et ne constituera jamais le "fond" d'une bibliothèque).
posté le 25-03-2009 à 11:38:55
René Guy Cadou, poète essentiel.
Il n'est pas innocent que l'émergence de l'Ecole de Rochefort (et de René Guy Cadou qui en est la figure essentielle) date de "l'Occupation" une période de l'Histoire de France qui se confond avec la terreur, la lâcheté, les privations quotidiennes et un certain retour vers des "valeurs" essentielles, une certaine sagesse traditionnelle et paysanne.
Autant le surréalisme avait sa raison d'être en période de révolte, au lendemain de la première guerre mondiale qui soulignait l'absurdité de la société et sa faiblesse, autant l'Ecole de Rochefort, née dans la misère partagée par la population dans les années 40, prenait tout son sens, s'ancrait dans une sorte de sagesse paysanne, simple, directe, en prise directe avec la nature. Elle ne pouvait qu'être d'essence campagnarde, reprise par le citadin gagné par la grâce de l'humanité. René Guy Cadou est alors bien le poète essentiel dans cette aventure. Son oeuvre ne prend pas une ride, car elle est moins ancrée sur l'événement (à quelques exceptions près) que sur des valeurs intangibles.
posté le 24-03-2009 à 14:55:01
L'Arétin revu et corrigé par Paul Emile Bécat.
Nulle oeuvre pouvait mieux convenir à Paul Emile Bécat, tant par le caractère fripon que l'élégance qui entoure ces chroniques empruntées au domaine classique. L'Arétin met dans sa verve une once de préciosité un humour qui rejoint Rabelais et il est significatif que le texte est fasciné tant de poètes dont Guillaume Apollinaire, expert en la matière.
L'illustration est une promenade impertinente parfois nonchalante brodant selon la fantaisies du moment et sans une réelle volonté de "coller" fidèlement au texte. Serait-elle un texte parallèle ?
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